Renouveau / Fuyant les règles qui imposeraient un titre et une thématique, le nouvel accrochage de la collection abritée dans l'admirable écrin d'art à Rochetaillée-sur-Saône nous guide pour une promenade dans la tête d'un collectionneur réservé et discret.
Dans le passionnant Je déballe ma bibliothèque, le philosophe juif allemand Walter Benjamin analyse sa nécessité de composer la meilleure bibliothèque possible, définissant le dessein enfermé dans toute collection dans une formule claire et fascinante : « renouveler le monde ». Si Benjamin visait notamment l'univers de la bibliophilie, cette définition se prête particulièrement bien à décrire toute collection dépeignant une nouvelle vision du monde qui ne se limite pas au seul geste d'accumulation d'objets.
À la découverte d'une vision personnelle de l'art
Dès le hall d'entrée, il semble évident que le « Moulin », magnifique architecture renouvelée aux abords de la Saône, recèle bien plus qu'une simple suite d'œuvres d'art.
Le regard est immédiatement séduit par l'impressionnante bibliothèque accueillant des centaines d'ouvrages consacrés à l'art et affichant le rigoureux travail de recherche agissant derrière le geste du collectionneur.
Une fois rendu hommage à la majestueuse sculpture en bronze de Wang Du représentant une feuille de journal froissée, on peut pénétrer dans les espaces d'exposition. Dans le silence de la salle une musique semble se déployer sobrement sur les murs grâce aux œuvres d'Eugène Leroy, Frank Stella, Pierrette Bloch et Sabine Moritz : rare équilibre entre un sentiment d'inquiétude et les espaces désemplis des surfaces picturales.
Sturm und Drang
Au premier étage, la salle consacrée à Zanele Muholi incarne un lieu chargé de gravité et d'engagement. L'artiste originaire de Durban, en Afrique du Sud, puise sa recherche dans la représentation des femmes pendant l'apartheid, se mettant en scène dans ses autoportraits photographiques.
La suite de la visite est une découverte incessante d'œuvres extraordinaires : la peinture de Yan Pei-Ming, la sculpture de Jitish Kallat, les imposants tableaux d'Hermann Nitsch, la tapisserie jacquard en trompe-l'œil d'Ailbhe Ní Bhriain, les œuvres raffinées et puissantes de Jean-Marc Cerino, Darío Villalba et Andres Serrano.
Quatre étages parsemés d'instants d'art répondant à la nécessité intérieure d'un esthète discret. Si la destinée de son projet demeure inapparente, l'accrochage de cette année, le troisième depuis l'ouverture au public, dévoile l'élégance d'une pensée en acte : des fragments d'un corpus d'œuvres renouvelant le monde.
Nouvelle saison d'Artissima
À la collection Artissima (Rochetaillée-sur-Saône) jusqu'au samedi 26 octobre ; de 7 à 15 euros