Vendredi 13 septembre 2024 Quelque chose s’agite dans les sombres salles musicales de la métropole de Lyon. Les programmations des nombreux lieux consacrés au quatrième art semblent nous attirer dans une danse métaphorique…
20 concerts de la rentrée à ne pas rater
Par Fabrizio Migliorati
Publié Jeudi 12 septembre 2024
Photo : Einar Selvik/Wardruna © By Norse Music - DR
Sélection / De la fin de l'été à l'entrée dans l'hiver, le Petit Bulletin a sélectionné pour vous vingt rendez-vous comme autant de remèdes au spleen automnal : jazz, metal, folk, musique expérimentale, en passant par la galaxie du kraut, de l'électro et des musiques traditionnelles, les prochains mois annoncent une période délectable.
Eric Chenaux Trio
La musique d'Eric Chenaux se situe quelque part entre les constellations du jazz, du blues, de la musique électroacoustique et de l'expérimentation sonore. Autrement dit, elle se veut insituable, fantomatique et fuyante. Mais elle existe bel et bien car, laissant des traces derrière elle, nous pouvons suivre l'ondoiement fascinant de ses textures veloutées : une musique en mesure de matérialiser son lieu vivant — un jazz club intime — anachronique, défiant les lois du temps. Sa voix, s'emmêlant avec les volutes de fumée qui tourbillonnaient dans la salle, trame une histoire romantique et magnétique. Le très récent Delights of my life, premier album au nom du trio et huitième personnel chez Constellation, célèbre son rôle de chetbakerien absolu, artiste précieux à déguster avec modération.
Au Sonic (Lyon 5e) le mardi 1er octobre à 20h ; 10 euros
Daniel Norgren
Savant mélange de blues et folk mélancoliques et forestiers, depuis une quinzaine d'années la musique de Daniel Norgren se fraye un chemin dans les plis de la chair de l'écoute, caressant et laissant une sensation d'agréable nostalgie. Le chanteur et guitariste suédois est le créateur d'une esthétique accueillante et chaleureuse, mariant grâce et légèreté, magnifiant les sonorités Americana transposées dans les terres scandinaves. Ici, dans un horizon marmoréen et sylvestre, ses compositions rêches et lo-fi peuvent s'exprimer dans la plus grande liberté, se figeant dans le froid éternel de la Fennoscandie.
À l'Épicerie Moderne (Feyzin) le dimanche 6 octobre à 19h15 ; de 7 à 19 euros
Big Brave
Après avoir publié quatre albums sur Southern Lord Records, le label de Greg Anderson et Stephen O'Malley (les deux visages du Janus bifrons Sunn O)))), dont le premier produit par Efrim Menuck de Godspeed You! Black Emperor, Big Brave s'est tourné en 2021 vers Thrill Jockey. Troisième opus pour le label de Chicago, A Chaos of flowers est une récapitulation ponctuelle de leur parcours décennal. Masse sonore écrasante, dissonances drones, ouvertures post rock, le tout plongé dans une profonde noirceur incise par la voix de Robin Wattie : s'éloignant de longues suites sonores des débuts, avec le dernier opus, le trio vise une structuration plus efficace sans déroger à une règle capitale : offrir de pures catharsis noires.
Au Périscope (Lyon 2e) le mardi 8 octobre à 21h ; de 8 à 13 euros
Lacuna Coil
Le son des Italiens Lacuna Coil ne semble pas avoir pris une seule ride en plus de vingt-cinq ans de carrière. Après ses premiers pas sur la scène internationale à partir de la fin des années 90 grâce au premier EP éponyme et au splendide In a rêverie, le groupe porté par les membres historiques Cristina Scabbia, Andrea Ferro et Marco Coti Zelati s'est successivement imposé avec Comalies (avec le notable Heavens's a lie) et Karmacode (qui contient l'iconique reprise de Enjoy the silence de Depeche Mode). Si leur véritable album en date, Black anima, date désormais de 2019, le réenregistrement de leur chef-d'œuvre en version « déconstruite » a apporté une nouvelle pierre à l'édifice du metal gothique du groupe, ouvrant le son à une respiration encore plus symphonique. Le Transbordeur nous propose des retrouvailles gothiques et jouissives, à ne pas rater.
Au Transbordeur (Villeurbanne) le samedi 12 octobre à 19h30 ; 37, 50 euros
Eivør
Captivante féroïenne à l'univers complexe et ancestral, Eivør Pálsdóttir est aujourd'hui une chanteuse et musicienne indispensable pour les amoureuses et les amoureux des sonorités glaciales et nordiques. Son vaste répertoire est nourri de musique sacrée, pop, jazz mais surtout de la tradition musicale des Îles Féroé et de l'Islande. Jalonnant depuis vingt-ans son chemin sonore, Eivør a récemment sorti Enn, sans doute le meilleur album de sa carrière. Après des sonorités sinueuses et rétro (Hugsi Bert Um Teg), délicatesses introspectives et cristallines (Purpurhjarta), vocalismes s'exprimant dans l'immensité du paysage nordique (Enn), l'album touche son apogée avec Upp Úr Øskuni, délivrance d'un industriel sabbatique et jouissif. Un concert pour réconcilier le monde animal, l'humain, la nature et le cosmos.
À La Rayonne (Villeurbanne) le mardi 15 octobre à 19h30 ; 28 euros
Lysistrata
Avec leur troisième album, Ben Amos Cooper, Theo Guéneau et Max Roy se sont imposés comme un des groupes les plus intéressants du panorama alternatif national. Après The thread en 2017 et Breathe in/out deux ans plus tard, cette année avec Veil, le trio a montré un raffinement sonore qui, loin de simplifier leur son, en affine la radicalité. Si jusqu'à présent on avait pu apprécier les tentatives (réussies) de dépasser post-hardcore, noise-rock et math-core, Veil, bien qu'intégrant une étonnante légèreté joyeuse (Okay) et un imperturbable stoïcisme (Tangles in the leaves), on découvre un travail tranchant, ciselé et exigeant. Dans l'attente de se défouler dans la nouvelle salle du Marché gare, nous vous conseillons d'écouter en boucle Acid to the burns et Rise up.
Au Marché Gare (Lyon 2e) le jeudi 17 octobre à 20h30 ; de 13 à 17 euros
Molchat Doma
Combinant le côté langoureux de la cold wave avec les rythmes synthétiques de la dance des années 80, Molchat Doma réussit le pari de répondre aux exigences nostalgiques s'incarnant dans le présent. Formé à Minsk en 2017, empreint de la « toska », l'angoisse existentielle typiquement russe, et d'une profonde passion par l'architecture brutaliste soviétique, le trio retranscrit dans des perles noires sonores au pouvoir hypnotique le culte d'une beauté décadente. En mesure aussi de faire le buzz, comme témoigné par Sudno (Boris Ryzhy), morceau devenu viral en 2020 sur TikTok. Le quatrième album, Belaya Polosa, sorti le 5 septembre sur le radical et sombre label Sacred Bones Records, indique que les adeptes de Joy Division et Kino ont entrepris le chemin de l'electro sombre des années 90, mais sans renier la vénération pour le post-punk et la synth-pop.
Au Transbordeur (Villeurbanne) le jeudi 31 octobre à 20h ; 34 euros
Hackedepicciotto
À l'origine de la Love Parade, Danielle de Picciotto est artiste, musicienne et réalisatrice. Alexander Hacke, son mari, est le guitariste et bassiste historique de Einstürzende Neubauten. « Partners in music » depuis 2008, Danielle et Alexander injectent dans leurs compositions une vision apocalyptique, sauvage, vaguement hippie et à la fois emplie de douceur et de tendre mélancolie. Spoken words, évocations médiévales, atmosphères catacombales, jeux dadaïstes se rencontrent, donnant vie à une esthétique aliénante et poignante. Infatigables, pris dans les nombreux projets parallèles, Danielle et Alexander parviennent malgré tout à construire une discographie couplant amour et recherche, rêve et tourment.
Au Sonic (Lyon 5e) le mardi 12 novembre à 20h ; de 13 à 14 euros
Wardruna
Expériences de pure transcendance, les concerts menés par Einar Selvik sont des véritables épreuves d'initiation au monde néopaganiste. L'idée même de « chanson » disparait immédiatement dès que l'alliance à géométrie variable sous le nom de Wardruna monte sur scène. La matière sonore se meut rapidement en invocation tribale et ésotérique entrainant une catharsis collective à travers une activation des pratiques chamaniques liées à la mythologie scandinave. Le temps s'efface derrière la jonction entre humain, forces de la nature et divinités. Avec le nouveau single Hertan, « cœur » en proto-scandinave, Wardruna souhaite inaugurer un nouveau cycle après l'hypnotique trilogie inaugurale centrée sur l'alphabet runique, et les successifs chapitres Skald et Kvitravn.
À l'Amphithéâtre - Salle 3000 (Lyon 6e) le jeudi 14 novembre à 20h30 ; de 54 à 79 euros
Tapir !
Résultante des trois EPs sortis en 2023, The Pilgrim, Their God and The King Of My Decrepit Mountain de Tapir ! est le rare exemple d'un travail organique se composant de la façon la plus naturelle possible. Dépeignant les aventures d'un étrange personnage à la tête en papier-maché rouge, l'album convoque Robert Wyatt, Bright Eyes et Damien Jurado, élaborant une fable séduisante. Dans l'attente du deuxième opus attendu pour le jour du concert lyonnais, il nous reste à écouter en boucle le travail des six Londoniens, pour accompagner le pèlerinage féerique de l'énigmatique homme à la tête rouge.
Au Marché Gare (Lyon 2e) le jeudi 14 novembre à 20h30 ; de 0 à 18 euros
Beak>
L'importance du chevron. Car fuyant l'esthétique poétique des titres et la fascination de la numérologie, Beak> a trouvé dès le départ la formule parfaite : rendre sa discographie de plus en plus acuminée. Au nom du groupe (« bec » en français), clôt par un signe de ponctuation (le chevron), le trio composé par Geoff Barrow, Billy Fuller et Will Young ajoute à chaque sortie la répétition du même signe. Sorti fin mai, >>>> est la parfaite suite logique de leur production : kraut acide, marqué par un sentiment à la fois angoissant et ludique, balayé par des éclairs trip-hop. Sans être un chef-d'œuvre incontestable, le dernier opus du trio s'avère être un puissant remède contre l'ennui quotidien.
À l'Épicerie Moderne (Feyzin) le vendredi 15 novembre à 20h30 ; de 7 de 25 euros
And Also the Trees
Chaque passage en ville du groupe anglais est un cadeau sombre et délicieux, un plaisir jubilatoire et planant. Malgré sa longévité, And also the trees n'a jamais fait preuve d'affaiblissement, gardant un niveau d'excellence extrêmement rare dans l'histoire de la musique récente. Mother-of-pearl Moon, paru en début d'année, est la seizième perle en presque un demi-siècle de carrière et poursuit dans la poétique de sobriété que leurs albums acoustiques tracent discrètement depuis une quinzaine d'années. Le post-punk inaugural des frères Simon et Justin Jones s'est transformé dans le temps en jazz gothique à l'âme rock. Mais le romantisme et les sources littéraires sont bien là, tressés dans les fils de chaîne d'un tissu obscur, dont l'image apparaissant finalement apaise et guérit.
Au Périscope (Lyon 2e) le samedi 16 novembre à 21h ; 15 euros
Tindersticks
Il y a quelque chose de l'ordre du surnaturel dans la musique de Tindersticks. Quelque chose qui ne se prête pas tout simplement au format chanson ou à celui de la performance live. L'origine de ce phénomène se trouve très probablement dans le tressaillement de la voix de Stuart Staples, capable à elle seule de troubler et d'émouvoir, affichant une texture inconnue sur Terre. Pour cette raison, un concert de Tindersticks ne pourrait pas être décrit comme un événement, mais plutôt comme un véritable avènement, une apparition divine, une venue au monde apportant une présence salvifique, purificatrice. C'est ainsi que dans le formidable calendrier de l'Opéra Underground, le concert du groupe de Nottingham apparait discrètement mais clairement, nimbé d'une lumière prodigieuse.
À l'Opéra de Lyon (Lyon 1er) le dimanche 17 novembre à 20h ; de 16 à 40 euros
S. society : Mr. Scruff/Danilo Plessow (MCDE)
Pour celles et ceux qui ne ressentiraient guère le besoin d'une expérience divine avec Tindersticks, le Sucre propose, pour son habituel club dominical, une soirée de délivrance et de joyeuse légèreté. Ouvert par le set de Danilo Plessow (aka MCDE, acronyme de « Motor city drum ensemble »), DJ allemand fluctuant entre house et techno rétro, l'évènement vespéral à Confluence sera glorifié par la présence d'une légende des platines d'Outre-Manche, Andrew Carthy, mieux connu sous le nom de Mr. Scruff. Ses rares apparitions à Lyon rendent incontournable la soirée au Sucre, véritable occasion pour rencontrer l'univers à la croisée du jazz, de la soul du downtempo et de l'animation du compatriote du chat carrollien du Cheshire (étrange coïncidence...).
Au Sucre (Lyon 2e) le dimanche 17 novembre à 18h
Hania Rani
Pianiste raffinée, créatrice d'un univers sonore en perpétuelle évolution, la pianiste et chanteuse polonaise semble se plaire à se soustraire sans cesse à toute tentative de fixation verbale. Après avoir conquis le monde avec ses sophistiquées compositions néo-classiques, Hania Rani a procédé par étapes, album après album, se mesurant d'abord avec le chant (sur Home en 2020), puis avec la musique expérimentale (Music for film and theatre, l'année suivante) et l'ambient (On Giacometti, en 2023). L'album Ghosts a représenté par la suite un point de non-retour dans une discographie déjà particulièrement riche : le minimalisme atmosphérique dialoguant avec l'ambient onirique se trouve à invoquer jazz, trip-hop et drum&bass. Dans l'attente du double Nostalgia, en sortie le 27 septembre et accompagné par ses créations photographiques (une nouvelle corde à rajouter à son arc), ne ratez pas son concert au Radiant.
Au Radiant-Bellevue (Caluire-et-Curie) le mercredi 20 novembre à 20h ; 38 euros
Cradle Of Filth + Butcher Babies + Mental Cruelty
Mediatone a concocté pour la fin novembre une soirée de ténèbres et de cauchemars. Marqué par la brutalité du deathcore des Allemands Mental Cruelty et le groove metal aux nombreuses influences (hardcore, hard rock, industriel) des Butcher Babies, le rendez-vous à la Rayonne sera transcendé par la présence d'une des légendes les plus sulfureuses du black : Cradle Of Filth. N'ayant pourtant jamais fait l'unanimité parmi les fans du genre, le groupe aux ordres de Dani Filth reste malgré tout une référence indéniable. Dans l'attente du prochain album prévu pour mars 2025 (qui comprendra une collaboration avec Ed Sheeran !) nous vous conseillons une révision globale de leur discographie, de The principle of evil made flesh, encore tributaire du death, jusqu'à Existence is futile, dernier opus datant de 2021, qui a confirmé la vivacité de la proposition sépulcrale du Berceau de l'ordure.
À La Rayonne (Villeurbanne) le jeudi 28 novembre à 18h ; de 27 à 33 euros
Souad Massi avec l'Orchestre national de Lyon
Il est très peu de choses au monde plus belles que la voix de Souad Massi. Aucune réticence ne peut réellement perdurer devant l'incarnation de cet instrument dans des compositions telles que Ghir Enta ou Rani Rayha. L'évocation de la musique arabo-andalouse se mêle chez elle avec la folk, le jazz et le chaâbi algérien, esquissant un univers pacifique et apaisant. La rencontre avec l'Orchestre national de Lyon s'annonce de ce fait comme un des évènements assurément incontournables de la fin de l'année, permettant de traverser une carrière sans faute longue de vingt-cinq ans, consacrée à la beauté.
À l'Auditorium (Lyon 3e) le vendredi 29 novembre à 20h ; de 33 à 53 euros
King Hannah
Hannah Merrick et Craig Whittle serpentent avec flegme entre lo-fi, dream pop et trip-hop, illustrant avec méticulosité un univers brumeux où le temps s'écoule avec une lenteur presque insupportable. Apparus dans le panorama d'Outre-Manche en 2020 grâce à la splendide Crème brûlée, le duo de Liverpool a su s'imposer discrètement, sculptant un son tantôt onirique, tantôt lynchien. Entre Mazzy Star et Widowspeak, le son de King Hannah conquiert sans soumettre : la date lyonnaise est une expérience à ne pas se laisser échapper.
Au Marché Gare (Lyon 2e) le mardi 3 décembre à 20h30 ; de 14 à 18 euros
Zaho de Sagazan
Véritable phénomène de la chanson française de ces dernières années, Zaho de Sagazan revient à Lyon, quelques mois seulement après avoir enflammé la scène de Fourvière. Sa prestation intense, au pouvoir magnétique et surnaturel, a largement dépassé les attentes du public exigeant du théâtre antique. Zaho de Sagazan incarne aujourd'hui une surprenante et inclassable voie de la chanson francophone invitant à rêver et expérimenter un futur lumineux : malgré tout, malgré le présent, « il fait toujours beau au-dessus des nuages ». Si vous n'avez pas pu vivre son dernier live, la Halle Tony Garnier propose une séance de rattrapage immanquable.
À la Halle Tony Garnier (Lyon 7e) le mercredi 11 décembre à 20h ; de 39 à 49 euros
No Suicide Act + Les Vulves Assassines + Dalle Béton
Rencontre incendiaire entre François Guillemot (alias FanXoa), ex-chanteur de Bérurier Noir, et Lionel Martin (alias Madsaxx), saxophoniste et improvisateur jazz, No Suicide Act est un projet éminemment lyonnais qu'il est nécessaire de surveiller de très près. Après un premier EP sorti l'année dernière annonçant leur venue au monde, à la fin de juin le 45t Je suis une erreur/Quel temps fait-il ? a achevé un été déjà bien compliqué pour le pays. Rageur et désenchanté, ce disque laisse présager une suite très turbulente. La soirée décembrale sera placée sous le signe de l'énervement et des revendications, avec l'électro-punk militant et radical des Vulves Assassines et le post-punk à la Sleaford Mods de Dalle Béton.
Au Transbordeur (Villeurbanne) le samedi 14 décembre à 20h ; de 18, 50 à 22, 90 euros
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