Sélection / Parmi la foultitude de longs métrages présentés cette année au festival Lumière, on compte des films de patrimoine qui invitent à penser notre rapport au pouvoir, à la révolte, à la résistance. Voici notre sélection.
Malcolm X de Spike Lee
Après avoir été révélé avec Nola Darling n'en fait qu'à sa tête, et fort de succès tant critique que public (Do the Right Thing, Jungle Fever), Spike Lee décide de porter à l'écran la vie de l'un des plus grands leaders de la communauté noire : Malcolm X. L'affaire Rodney King en 1991 le conforte dans l'idée que la figure du militant est plus que jamais d'actualité. Fort d'un scénario sur lequel avait officieusement œuvré l'écrivain James Baldwin, il trouve l'incarnation parfaite de l'orateur en la personne de sa muse, l'ultra charismatique Denzel Washington.
Sur plus de trois heures, sans éluder les aspects les plus controversés du porte-parole de la Nation of Islam (notamment son passif de petite frappe), il dresse un portrait foisonnant et cinématographiquement inventif qui n'hésite pas à s'aventurer du côté du thriller et de la comédie musicale. Dans le sillage du JFK d'Oliver Stone sorti un an plus tôt, Malcolm X rappelle que le biopic n'est pas condamné à s'apparenter à une hagiographie académique et ampoulée.
Che partie 1 et 2 de Steven Soderbergh
Diptyque mal-aimé de près de quatre heures consacré à l'icône de la lutte révolutionnaire Ernesto Guevara, Che de Steven Soderbergh est une entreprise déceptive à plus d'un titre, qui mérite néanmoins sa seconde chance. Il s'agit moins d'une œuvre de célébration que d'humanisation du mythe, admirablement incarné par Benicio Del Toro. C'est surtout moins un film engagé qu'une étude patiente et, par aspect, passionnante, de la notion même d'engagement.
En traitant de deux combats emblématiques du Che, l'un victorieux (l'épopée cubaine), l'autre qui virera au fiasco en Bolivie, Soderbergh construit un étrange rise and fall austère et anti-spectaculaire, mais toujours aux côtés de son protagoniste. D'une partie à l'autre, l'euphorie laisse place à une gueule de bois agonisante, où seules les convictions subsistent au gré des épreuves. Accessoirement, voir le cinéaste qui s'est maintes fois attelé à disséquer les mécanismes et dégâts du capitalisme de The Informant à The Laundromat, de The Girlfriend Experience à La Grande traversée, s'offrir une parenthèse communiste a quelque chose d'excitant.
Monsieur Smith au Sénat de Frank Capra
Et si Monsieur-tout-le-monde était plongé dans le monde sans pitié de la politique ? À partir d'un postulat simple, Frank Capra brosse un portrait plein d'humanisme et d'espoir tout en dépeignant un système gangréné par les intérêts privés. Ce Monsieur Smith, c'est James Stewart qui l'incarne. Jeune homme naïf et idéaliste, il se retrouve propulsé sénateur malgré lui et devient le fer de lance du combat contre la corruption. Sept ans avant le conte de Noël La Vie est belle, le duo Stewart / Capra abordait déjà de front les fondements de la société américaine, sans aucun cynisme mais fort d'un regard qui n'élude nullement ses travers.
Considéré par beaucoup comme le premier film de l'histoire mettant en scène une figure de lanceur d'alerte, celui-ci secoua à sa manière l'univers politique états-unien. Certains membres du Congrès tentèrent même d'interdire sa sortie en Europe craignant qu'il nuise à l'image du pays. En cette période électorale mouvementée outre-Atlantique, le moment est parfaitement choisi de suivre cet anonyme dans les arcanes du pouvoir yankee.
Festival Lumière
Du 12 au 20 octobre 2024 dans toute la métropole de Lyon