Une Biennale sur de bons rails

Une Biennale sur de bons rails
Biennale d'art contemporain

Les Grandes Locos

Jusqu'au 5 janvier 2025

Art contemporain / Sans être bouleversante, la nouvelle Biennale d'art contemporain remplit sa mission : nous faire découvrir une ribambelle d'artistes contemporains internationaux peu connus, souvent jeunes, aux propositions les plus variées. Avec pour point d'orgue, une confrontation aux espaces industriels démesurés des Grandes Locos.

Après les usines Fagor en 2022, c'est aux Grandes Locos que se situe le cœur de la Biennale 2024. Une friche industrielle encore plus vaste que la précédente, avec une Halle 1 tout bonnement impressionnante ! Construit au 19ᵉ Siècle pour la Compagnie des hauts fourneaux d'Oullins, cet ensemble de bâtiments a été plus récemment utilisé par la SNCF pour y réviser ses locomotives, jusqu'en 2019. Là, dans cette cathédrale des temps modernes, une quarantaine d'artistes contemporains se confrontent à sa démesure, se voyant parfois même obligés d'"agrandir" leurs œuvres afin qu'elles n'y soient pas tout simplement englouties (le peintre Edi Dubien habitué des petits formats présente de très grandes toiles, Myriam Mihindou se lance exceptionnellement dans une installation de grande envergure...). 

On trouve ainsi aux Grandes Locos les installations les plus imposantes de la Biennale, l'art luttant (ou cherchant des espaces de dialogue) avec l'industrie et ses traces encore fraîches, ou ses fantômes ouvriers plus anciens. Bocar Niang suspend d'immenses banderoles de différentes couleurs imprimées de mots et courtes phrases poétiques ; Ivan Argote invite les visiteurs à emprunter une grande balançoire dont l'équilibre dépend de la place prise par les uns et les autres ; Hans Schabus coupe en diagonale la Halle 1 avec un tuyau en bois monumental porté par de petites tortues sculptées ; Feda Wardak présente une immense architecture imaginaire faite d'une multitude de colonnes sur trois niveaux dont certaines suspendues dans les airs.... Sans oublier, le très beau travail du Canadien Michel de Broin qui souligne avec des leds lumineuses les failles et les traces de réparations de la voûte principale des plafonds de la Halle 1. Ou "l'orchestre" drolatique de l'Espagnole Pilar Albarracin, composé d'une cinquantaine de cocottes-minute dont les jets de vapeur entonnent l'Internationale !

Hans Schabus, Monument for People on the Move, 2024, © ADAGP, Paris, 2024, Photo Jair Lanes

 

Panorama

Si nous insistons autant sur cette confrontation au lieu, c'est parce qu'au fond, ce rapport (sous tension) entre art et espace industriel nous a davantage impressionnés que les œuvres elles-mêmes. Il suffit par exemple de se hisser un peu en hauteur (en haut d'un escalier menant aux bureaux de chefs d'atelier) pour découvrir devant soi un véritable paysage fait de volumes disparates, de couleurs bariolées (même les sols d'origine sont colorés !), de matériaux (métaux, toiles, tissages, bois, verreries...) et de lumières (issues des éclairages "normaux", des lueurs des projections vidéo, des leds de De Broin...). Soit un vertigineux patchwork, composé pêle-mêle de tentatives esthétiques artistiques, de traces encore vives du monde industriel, de beauté et de laideur, le tout enveloppé par une architecture à la mesure non des humains mais des machines. 

En-deçà de ce regard d'ensemble, les œuvres exposées nous ont tour à tour : amusés, intéressés, impressionnés... Mais guère bouleversés. Seules quelques-unes ont titillé notre émotion, comme les paysages marins peints sur les centaines de pages d'un récit de voyage (en infinies variations de ciels, de surfaces maritimes et de reflets de lumières) par Jean-Christophe Norman, ou la très belle installation immersive d'Oliver Beer dans la plus petite Halle 2 des Grandes Locos... L'œuvre clôt le parcours aux Grandes Locos, en un contrepoint atemporel, doux et hypnotique à l'ensemble de la déambulation précédente, entre art et industrie.

Oliver Beer, Resonance Project : The Cave
On avait découvert Oliver Beer en 2014 au Musée d'art contemporain de Lyon avec son grand « Terrier » musical (Rabbit Hole, une grande installation où on avançait dans le noir et le son entre deux cloisons), après avoir fait résonner l'acoustique d'un réseau d'égouts à Brighton, de tunnels à Beaubourg ou d'un palais à Rome. Cet artiste britannique né en 1985, formé à la fois en musique contemporaine et en arts visuels, a pu avoir accès aux grottes paléolithiques de Dordogne. Il y a réuni huit chanteurs qui y ont interprété leurs premiers souvenirs musicaux.
La performance est devenue une installation pour la Biennale présentée dans la Halle 2 des Grandes Locos. Là, dans la pénombre, on déambule parmi les voix des huit chanteurs (et leurs images vidéo sur grands écrans dispersés). On y entend des interprétations de Rufus Wainwright, Woodkid, eee gee, Mélissa Laveaux, Hamed Sinno, Jean Christophe Brizard... L'errance se poursuit en contre-bas avec la présentation de plusieurs toiles composées de manière aléatoire, les pigments ayant été déplacés par les vibrations des voix des chanteurs. Ce parcours hypnotique et rassérénant est l'un des moments forts de la visite aux Grandes Locos. 
Aux Grandes Locos, Halle 2.

Autres lieux de la Biennale

La Biennale investit aussi pour la première fois la Cité internationale de la gastronomie, mais le lieu est tellement aseptisé dans son écrin luxueux et d'une propreté sans faille, qu'il relègue même les œuvres les plus intéressantes (une installation vidéo de Christian Boltanski, les sculptures « monstres » de l'iranienne Hajar Satari, les photographies de Delphine Balley...) à un aspect un peu décoratif ! Luxe, calme, mais point de volupté.

Au Musée d'art contemporain, place est donnée surtout à la photographie, à la peinture, à la vidéo. Et à des œuvres d'artistes reconnus, mais assez décevantes comme la jeune femme découvrant son propre corps filmée par Chantal Akerman, ou les archives du Voyage de noces effectué à Venise en 1975 par le couple d'artistes Christian Boltanski et Annette Messager. 

Les propositions au MAC sont tellement hétérogènes que chacun y découvrira œuvre à son pied... Pour nous, ce furent, par exemple, les photographies de paysages ruraux du chinois Luo Dan, ou les images glanées sur les rives du fleuve Yangtze par l'israélien Nadav Kander, les dernières toiles abstraites de Sylvie Fanchon peuplées de quelques personnages de dessins animés ou de phrases types issues d'internet, le film d'Omer Fast relatant le retour d'Afghanistan d'un jeune soldat au sein de sa famille... Et l'installation tout en tons violet et rose de la brésilienne Lyz Parayzo qui à première vue semble vouloir nous immerger dans un univers un peu nunuche, avant que l'on découvre que ses sculptures à l'aspect floral qui pendent du plafond sont en réalité de grandes scies métalliques circulaires qui menacent de nous broyer !

Biennale, mode d'emploi
Commissaire invitée de la 17ᵉ Biennale d'art contemporain, Alexia Fabre (directrice de l'Ecole des Beaux-Arts de Paris) a sélectionné 80 artistes contemporains internationaux, souvent jeunes, et présentant pour la plupart des œuvres inédites créées pour l'occasion. 
La Biennale occupe trois lieux principaux : les Grandes Locos à Oullins, la Cité internationale de la gastronomie et le Musée d'art contemporain. On peut voir aussi quelques œuvres dans le jardin du Musée des Beaux-Arts, à la station de métro Gare Part-Dieu, au parking Saint-Antoine, à la Fondation Bullukian et au Musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal. L'Institut d'Art Contemporain à Villeurbanne accueille quant à lui un événement un peu à part : La jeune création internationale réunissant cinq artistes émergents de notre région et cinq jeunes artistes étrangers.
Le titre de la Biennale « Les voies des fleuves » demeure mystérieux, mais la volonté affichée (et un peu floue tellement elle est large) d'Alexia Fabre est l'ouverture à l'Autre : « Les relations humaines et l'accueil de l'autre sont au cœur de cette invitation adressée aux artistes comme au public. Les artistes ont interprété librement ce thème et l'ont enrichi de leurs visions et expériences de ce qui nous lie et nous délie, nous sépare ou nous rassemble. » écrit-elle.
Comme beaucoup d'autres éditions, la Biennale 2024 nous propose une série de rencontres artistiques hétéroclites, avec de longs cartels détaillés pour éclairer notre lanterne. Un défi pour le visiteur qui doit passer du coq à l'âne, d'un univers à l'autre, souvent sans transition. 

17ᵉ Biennale de Lyon d'art contemporain, « Les voix des fleuves »
Jusqu'au 5 janvier 2025 dans toute la métropole ; de 10 à 20 euros. 

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