Dans les pas du curé / Pas le temps de crapahuter trop loin ? Alors cap sur l'Ain, les prémices de la Dombes et les berges de Saône du côté de Montmerle, de l'étang de Vernange et la stupéfiante cité d'Ars, avec son curé légendaire devenu cire.
À moins de 50 km au (plein) nord de Lyon, en face du flamboyant Beaujolais et de ses pierres dorées se trouvent les beaucoup moins rutilants bords de Saône du côté du département de l'Ain. Mais il serait dommage de les bouder, surtout qu'ils sont aussi très accessibles à vélo grâce à la Voie bleue qui relie le Luxembourg à Lyon via la Moselle. Le Guide du Routard vient tout juste d'éditer en avril un ouvrage en spirales sur ces 700 km dont 80% sont en voie verte. C'est très largement le cas dans la portion qui mène de Lyon à Montmerle (départ côté 5e arrondissement de Lyon puis Champagne et traversée de la Saône au niveau de Fontaine pour enchainer sur Trévoux...).
Montmerle-sur-Saône et la Tour des Minimes
La petite cité de près de 4000 habitants est dominée par une tour cylindrique en briques de 20 mètres de hauteur qui fait tout son attrait. Bâtie en 1843 par le propriétaire du terrain, un certain monsieur Voisin, elle n'a eu d'autres fonctions que d'offrir une vue à 360° sur les alentours. Si elle ne se visite que rarement — quelques jours l'été et lors des Journées du patrimoine, cela vaut le coup d'œil toute l'année pour son emplacement : au-dessus d'une église, surplombant le val de Saône et l'île de Montmerle. À ses pieds : 634 plants de vignes "cépage gamay noir à jus blanc" semés en 2004 pour rappeler à quel point cette zone fut prospère en la matière jusque dans les 1950.

Ars-sur-Formans et son curé
Pour poursuivre à Ars, il faut quitter la voie bleue mais la route est toute balisée sur 16 km par le "chemin du curé d'Ars" inauguré en 2016. Passant par Lurcy, Messimy et Chaleins, c'est le parcours que faisait le fameux curé Jean-Marie Vianney dans les années 1820, pour se rendre de sa paroisse d'Ars à la chapelle des Minimes de Montmerle. Ce sentier de petites routes pour vélo et piétons croise parfois des routes départementales. Arrivé à Ars, c'est un très étonnant "mini Lourdes" qui se présente avec son lot de boutiques de chapelets et de porte-clés pour que les pèlerins se recueillent (et consomment).
300 000 visiteurs passent dans cette commune chaque année venant du monde entier, au point qu'après bien des turpitudes (rejet d'un vaste projet de plain-pied), une église souterraine en béton a été construite sur les plans de l'architecte Pierre Pinsard (en charge de la basilique souterraine de Lourdes aussi ; tiens, tiens) et Hugo Volimar, inaugurée en 1961. D'une jauge de 1200 places, ce vaisseau souterrain Notre-Dame-de-la Miséricorde, auquel on accède par un double escalier hélicoïdal, est classée "Patrimoine du XXe siècle" par le ministère de la Culture. Elle est dominée par la basilique Sainte-Sixte dessinée par un autre architecte expert en la matière : Pierre-Marie Bossan dont l'œuvre phare n'est rien moins que celle de Fourvière à Lyon (des visites croisées existent les 23 et 24 novembre 2024). Les ressemblances entre les deux (inspiration byzantine, riches ornements...) sont d'ailleurs stupéfiantes. Outre ces deux établissements de culte, le curé est partout. Sa maison (chambre, cuisine...) se visite gratuitement et, dans le musée de cire attenant à l'office du tourisme, ouvert en 1994 à l'initiative d'un habitant du village et en collaboration avec les ateliers du musée Grévin, c'est sa vie qui est déroulée dans 16 scènes de sa vie quotidienne. On y observe des femmes qui lui font à manger, le regardant béatement.
Le rôle d'évangélisateur de ce fils de paysans (relativement aisés) né à Dardilly en 1786 est détaillé dans un riche et très documenté préambule. Il fut prégnant après la Révolution qui a envoyé valser le clergé en fondant notamment un orphelinat à Ars où il fut nommé curé en 1818 et où il mourut un 4 août 1859. Jour célébré chaque année dans cette ville qui fête aussi les 150 ans de sa canonisation, du 1er novembre à octobre 2025. Étranges sont les temps...
Musée de cire de la vie du curé d'Ars. Ouvert (à cette période) du mardi au samedi de 10h à 12h et de 14h à 17h, les lundis, dimanches et jours fériés de 14h à 17h ; de 4€ à 7€
Office du tourisme. Mêmes horaires et même lieu. Vente de produits locaux, notamment une gamme de rillettes de poissons de la Dombes.
Randonnée en bords d'étangs
Cette Dombes est recouverte d'étangs (1100 ! la plus grande densité en France). Profitant des vasques et des sédiments argileux, ce sont des humains qui les creusèrent dès le XIᵉ siècle. Une multitude de balades sont possibles. Direction le parking de l'église de Monthieux à 12 km d'Ars pour faire une boucle de 6 km. Descendre derrière l'église et rejoindre en quelques mètres l'étang de Monthieux puis suivre le chemin pierreux. Au poteau Mion, poursuivre en direction de l'étang de Vernange, faire éventuellement un crochet de 400 m par l'observatoire de l'étang de Grange Volet susceptible d'accueillir 150 espèces d'oiseaux. Revenir sur vos pas pour suivre la route de l'observatoire, traverser la D82, et rejoindre l'église en bifurquant sur la gauche sur la route de Saint-Marcel puis sur la droite sur la route principale. Difficile pour les néophytes que nous sommes de faire le compte rendu des espèces animales croisées dans cette zone majeure de pisciculture, mais nous sommes bien dans le royaume des canards Colvert, de très nombreux oiseaux et d'une flopée de magnifiques libellules !
Fléchères et Trévoux en guest stars
Les deux sites les plus connus de ce coin d'extrême sud-ouest de l'Ain sont des témoins de l'époque moderne.
- Le château de Fléchères (Fareins), actuellement en vente, est une magnifique demeure ayant servi à de très nombreux tournages de films (Le Diable par la queue de Philippe de Broca, Les Lyonnais d'Olivier Marchal... ) qui compte de nombreuses fresques murales du toscan Pietro Ricchi et un parc de 30 hectares. Construite par le calviniste et trésorier de France Jean Sève qui a échappé à la Saint-Barthélemy lyonnaise, ce château a furtivement été la propriété d'un des membres du Gang des Lyonnais dans les années 60.
- Par ailleurs, la ville de Trévoux, sur la voie bleue (à 30 km de Lyon), État quasi indépendant et principauté de la Dombes du XVᵉ au XVIIIᵉ siècles, a conservé son château fort, son Parlement et ses décors peints, son Hôtel du gouvernement et tant d'autres. Entièrement exposée plein sud et bâtie en amphithéâtre, la cité lèche la Saône de laquelle s'élève une passerelle. Elle est incontournable dans ce périple aux portes de Lyon.