Roman / Avec "Jacaranda", Gaël Faye raconte le Rwanda d'aujourd'hui, entre reconstruction et transmission silencieuse. Un roman doux et émouvant, à l'image de son auteur, récompensé par le prix Renaudot.
Le prix Renaudot vient de récompenser ce 4 novembre le deuxième roman de Gaël Faye, Jacaranda. L'entrée en littérature de l'auteur-compositeur-interprète avec Petit Pays en 2016 avait été couronnée de nombreux prix, notamment le prestigieux Goncourt des lycéens. Aujourd'hui traduit dans le monde entier, vendu à plus d'un million d'exemplaires, adapté en BD et au cinéma (par Eric Barbier en 2020), le roman s'inspirait de son enfance au Burundi, pendant la guerre civile et le génocide rwandais. Né en 1982 d'une mère rwandaise et d'un père français, Gaël Faye vit aujourd'hui à Kigali, la capitale du Rwanda, depuis une dizaine d'années.
Avec Jacaranda, il évoque à nouveau le génocide au Rwanda, en s'intéressant cette fois à la reconstruction du pays. Et à la cohabitation, aujourd'hui, des bourreaux (Hutus) et des victimes (Tutsis) d'hier. Ce n'était pourtant pas son idée de départ. Gaël Faye voulait écrire sur « autre chose » et avait commencé une histoire sur un chanteur de rock, « mais Jacaranda s'est imposé ».
Il ne s'agit pas de la suite de Petit Pays, mais un personnage relie les deux récits : la tante Eusébie. Dans Jacaranda, on rencontre sa fille Stella, qui développe un mystérieux trouble, tandis que sa mère est convaincue qu'elle ne peut qu'aller bien, puisqu'elle est née après le génocide. Stella aime se réfugier dans les branches du jacaranda, majestueux arbre aux fleurs mauves, et accessoirement le mot préféré de Gaël Faye.
Briser le pacte tacite du silence
Mais le narrateur est Milan, adolescent versaillais de père français et de mère rwandaise. Il a 12 ans lors du génocide de 1994, qu'il découvre au journal télévisé pendant le dîner, accompagné du silence de sa mère. Jacaranda suit donc la rencontre de Milan avec le Rwanda et son histoire, à travers plusieurs voyages, puis son installation à Kigali. Le silence et le tabou enveloppant tout et tout le monde, Milan tâtonne pour comprendre son histoire familiale, qui trace en filigrane l'histoire du pays. Une histoire survenue il y a trente ans exactement : ce livre important, car il « brise le pacte tacite de silence » a aussi de vraies qualités romanesques - celles et ceux qui connaissent la profondeur des textes de Gaël Faye ne seront pas surpris. La lecture musicale et la conversation avec l'auteur devraient être empreintes de douceur et d'émotion, ingrédients dont Gaël Faye a le secret.
Jacaranda de Gaël Faye (aux éditions Grasset) ; 20, 90 €
Lecture musicale et entretien avec Gaël Faye le samedi 23 novembre à 18h30 à l'Opéra de Lyon (Lyon 1er) ; de 4 € à 8 €