Musique classique / En regroupant la 5ᵉ Symphonie de Mahler et une symphonie de Berio créée à partir de fragments de Schubert, l'Orchestre de Lyon nous plonge dans des univers musicaux en constante métamorphose, ouverts, complexes.
Été 1901 : Gustav Mahler part se reposer à la campagne, dans sa nouvelle propriété à Maiernigg, après une saison harassante à la tête de l'Opéra de Vienne, et surtout après avoir frôlé la mort en février avec une spectaculaire hémorragie intestinale ! Dans une maisonnette spécialement dédiée à la composition, où se trouvent un piano, des livres de Goethe et de Kant, ainsi que les partitions des œuvres complètes de Bach, Mahler compose en parallèle les sombres et douloureux Kindertotentlieder et le Scherzo d'une nouvelle symphonie. Une œuvre dont il confie à ses proches qu'elle constitue une difficulté colossale tant au niveau de sa composition que de son interprétation, et où – derrière une confusion apparente –, Mahler dit construire une architecture solide. « Mon principe, dit-il, c'est que rien ne doit se répéter mais tout doit se développer sans cesse ». La 5e Symphonie qui prend naissance à partir de 1901, comme les précédentes, a donc un caractère de flux vivant, de devenir qui brasse toutes les dimensions de la vie : les deux premiers mouvements sont très sombres (la symphonie débute même par une marche funèbre) jusqu'au Finale plus joyeux, en passant par un adagietto célèbre (par son utilisation dans Mort à Venise de Visconti) où certains voient une lettre d'amour à son épouse de fraîche date, Alma.
Une symphonie de Schubert ou de Berio ?
En première partie de son programme, l'Orchestre National de Lyon et son chef Nikolaj Szeps-Znaider rendront un premier hommage au compositeur italien Luciano Berio (1925-2003), dont on fêtera en 2025 le centenaire de sa naissance. Expérimentateur en diable dans les domaines de la voix et de la musique électro-acoustique, Berio, entre 1989 et 1990, s'adonne à un travail fort singulier : « recréer » ce qui aurait pu être la 10e Symphonie de Schubert mais dont il ne nous reste que quelques fragments, quelques esquisses de partitions pour piano non orchestrées et désordonnées. Rendering n'est pas à proprement parler une reconstitution musicologique des fragments de Schubert (comme il en existe pour la 10e Symphonie de Beethoven par exemple), mais c'est une œuvre hybride qui entremêle plusieurs logiques : reconstitution, recomposition, insertion de motifs purement rattachés à l'univers de Berio, reprise même de quelques variations barrées par Schubert... Avec Berio, en phase avec le mouvement plus général de la post-modernité des années 1980, il n'y a plus vraiment d'auteur ni d'œuvre, mais une « intertextualité », un dialogue entre les époques et les genres musicaux.
Berio Rendering (d'après Schubert) + Mahler Symphonie N°5
Les 6 et 7 décembre à l'Auditorium (Lyon 3e) ; de 10 à 54 euros