Installation / Après avoir convoqué l'odorat, le goût, l'ouïe et la vue, la galerie Tator clôt l'année consacrée aux cinq sens avec une exposition qui met le toucher à l'honneur.
En mai dernier, nous avions découvert le remarquable univers de Théophile Peris au CAP de Saint-Fons avec Rouler et ramasser. Pendant deux mois, la galerie de la rue d'Anvers nous propose de poursuivre cette exploration avec une exposition au titre très parlant : Quand je sais pas quoi faire, je vais sous un feutre.
Visible de l'extérieur, la salle au rez-de-chaussée s'expose aux passants, qui, en franchissant la barrière marquant la séparation entre extérieur et intérieur, se trouvent plongés dans une transformation de l'espace. Celui-ci se muant en lieu accueillant et au fort pouvoir synesthésique.
S'extraire de la quotidienneté
Les grands feutres de laine de brebis qui enveloppent les murs ainsi que le sol et le plafond, invitent le public à une expérience profonde du sens du toucher. Le corps ne se limite plus à effleurer les tissus réalisés avec les techniques ancestrales du feutrage, mais exige de s'approprier entièrement l'espace. La déambulation, accompagnée par l'investigation manuelle des lainages, fait table rase des préoccupations de la vie quotidienne, ouvrant un espace de détente et de répit.
Un bestiaire à la croisée des époques
Dans cet espace peuplé d'animaux et d'images qui interrogent le regard, nous retrouvons non seulement l'histoire de l'art, mais aussi de toute l'humanité. Un bestiaire visuel rappelant les textes du Moyen-Âge, les grottes ornées du Paléolithique et les tensions spirituelles. Par sa configuration spatiale, la galerie devient antre, terrier ou, encore mieux, comme l'évoque le splendide texte de Fanny Van Opstal, hibernacle.
Pénétrer dans le ventre de la Terre
Le parcours expositif accroit l'horizon visuel de l'abri et, après avoir provoqué la rencontre avec un objet discret, une petite plaque en cuivre, réceptacle et récapitulation de l'œuvre de Peris, nous rejoignons la salle au sous-sol, véritable grotte enclavée dans le ventre de Tator.
L'aspect doré et opaque du lieu amplifie la sensation de se trouver dans un endroit anachronique. À la fois liée à l'activité humaine et au retrait du monde, cette grotte abrite des milliers de touffes de laine non traitées, comme des stalactites animalières. Dans la démarche de découverte et d'appropriation du lieu, le toucher et la vue appellent d'autres sens, comme l'odorat et l'ouïe. Le petit espace devient ainsi le lieu de la réflexion, de la recherche du sens, mais aussi, comme dans l'allégorie de la caverne platonicienne, le lieu de l'illusion et de la tromperie.
Quand je sais pas quoi faire, je vais sous un feutre par Théophile Peris
Jusqu'au 17 janvier 2025 à la galerie Tator (Lyon 7e) ; entrée libre