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Gwilherm Perthuis « Il est nécessaire de faire des pas de côté »

Gwilherm Perthuis « Il est nécessaire de faire des pas de côté »
Premier anniversaire de la librairie

Librairie L'œil cacodylate

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Librairie / La librairie l'Œil cacodylate (ex Michel Descours) a achevé sa mue il y a un an, porté par l'ex-salarié et désormais gérant Gwilherm Perthuis. Bilan d'une première année prometteuse. 

Quelle relation entreteniez-vous avec la librairie Michel Descours, qui était initialement spécialisée dans les ouvrages d'art ?

Gwilherm Perthuis : Je travaillais avec Michel Descours depuis plus de dix ans lorsqu'il est parti à la retraite. J'avais non seulement envie de reprendre en main la librairie, mais aussi de dédramatiser le rapport à ce lieu qui nous paraissait un peu trop élitiste. Nous souhaitions évidemment maintenir l'exception que représente cette librairie mais la clientèle vieillissait beaucoup, et nos ventes de monographies, de livres d'art, ont commencé à baisser de 10 à 15 % par an à partir des années 1990. 

C'était aussi une envie réelle de l'équipe, nous sommes tous de grands lecteurs, de romans, de livres de sciences sociales... Nous voulions fédérer des publics un peu plus variés, conscients cependant que les étiquettes restent collées longtemps. À partir de 2019, on a peu à peu commencé à consacrer des étagères aux nouveautés littéraires, sans réduire l'espace réservé aux questions artistiques qui représentent toujours 60 % de nos ouvrages. On a un peu réduit la place des publications étrangères car nous n'avons pas non plus une place illimitée.

Le changement a-t-il été compris par vos publics ?

G.P : Michel Descours vendait aussi des meubles rares, des œuvres d'art. Beaucoup pensaient que cela était forcément synonyme de livres coûteux alors que comme tout le monde, nous sommes soumis au prix unique. Le changement prend peu à peu, ça ne se fait pas en un jour.

Cela va plus vite depuis que nous faisons des partenariats. On a eu besoin de s'inventer une image qui correspond plus à ce que nous souhaitons faire maintenant. Par exemple, nous avons tenu la table d'inauguration du festival Mode d'Emploi de la Villa Gillet, en présence de Pierre Rosanvallon et vendredi 15 novembre nous avons accueilli Jérémie Foa, dans la grande salle de la librairie. Tous les meubles sont sur roulettes, on a donc pu accueillir une soixantaine de personnes.

Nous avons aussi partagé nos textes français et étrangers de la rentrée au théâtre des Marronniers, nous adossons notre programmation sur la prochaine édition du Festival de l'anthropocène, et on espère bien d'autres choses encore !

Vous accueillez de nombreux autrices et auteurs en conférences, qu'est-ce qui guide vos choix ?

G.P : Nous organisons 80 rencontres (gratuites) par saison. Nous choisissons au gré de nos lectures, des parutions, de l'actualité et des échanges que nous entretenons avec certains éditeurs en favorisant plutôt les autrices et auteurs en sciences sociales. Ce sont des rayons qui sont un peu laissés à l'abandon dans de nombreuses librairies, nous souhaitons les surreprésenter pour contrebalancer cette tendance.

Certaines de vos conférences ne sont ni en phase avec l'actualité, ni avec une publication récente.

G.P : C'est vrai, cela fait aussi partie du projet qu'on essaye de défendre : une partie de notre programmation s'articule autour des grandes figures du 20e siècle jusqu'à nos jours. Des figures essentielles mais pour autant peu lues qu'on aborde avec des expertes et experts. Il y a par exemple eu Winfried Georg Maximilian Sebald, un auteur qui a principalement vécu en Angleterre et qui fut très marqué par la destruction, le bouleversement de l'Europe au 20e siècle. Il a surtout été traduit par la maison d'édition Actes sud mais reste une figure confidentielle. L'enjeu est donc de refaire parler de Sebald, convaincre à nouveau les lectrices et lecteurs de se tourner vers lui, vers son travail très riche et plus qu'utile à la lumière des enjeux de notre temps. Les nouveautés se recouvrent toujours plus vite, il est nécessaire de faire des pas de côté de temps en temps.

Diriez-vous qu'on peut lire une orientation dans vos choix d'ouvrages comme vos choix d'autrices et auteurs invité(e)s ?

G.P : On était considérés comme une librairie conservatrice car traitant majoritairement de l'art ancien. Quand on a proposé Jacques Rancière en conférence, on est apparus un peu transgressifs. Pour autant, nous ne sommes pas radicaux. Bien qu'engagés en faveur de travaux progressistes, et tenant une position critique vis-à-vis du libéralisme, des dérives autoritaires et de la crise démocratique, nous tenons à rester subtils, en proposant une programmation équilibrée qui soit teintée sans être caricaturale. Ce sont aussi des engagements qui s'expriment par le soutien à certaines formes d'écriture, de certaines maisons d'édition, mais aussi de la pluralité, dans une certaine limite. 

Quel bilan économique dessinez-vous de cette première année après avoir achevé la refonte ? 

G.P : Pour l'instant ça va, même si je ne me paye pas encore sur la librairie. On devrait être au moins à l'équilibre, et la clientèle s'accroit, donc on est plutôt positif même si le contexte pour le livre n'est pas évident.

Dans le numéro 1069, Le Petit Bulletin a interviewé une sociologue de la culture (Hélène Seiler-Juilleret) pour aborder la raréfaction des festivals de littérature autour de Lyon. Elle a évoqué le fait que « l'offre des festivals se diffuse à certaines librairies ». Qu'en pensez-vous ?

G.P : La plupart des acteurs du livre sont assez convaincus de la nécessité de recréer du lien entre lecteurs et auteurs. De plus en plus de librairies prennent ça en charge : on ne peut plus "juste" présenter des livres sur une table et se contenter de donner des recommandations en quelques minutes. Il faut pouvoir continuer à approfondir, rentrer en détails dans les sujets, parfois rentrer dans l'intimité de l'auteur, de la construction de son récit.

Cependant, si les festivals devaient tomber jusqu'au dernier, je ne pense pas qu'on pourrait prendre le relais. Nous sommes plutôt des ramifications, un complément d'infrastructures qui profitent aussi de l'engouement que ces événements suscitent, du gage de qualité qu'ils représentent. De plus, même si la programmation de rencontres est foisonnante à Lyon, les publics ne sont pas toujours au rendez-vous, contrairement aux festivals : ils jouissent d'outils de communication qu'on n'aura jamais. 

Anniversaire de l'Œil cacodylate
Jeudi 28 novembre 2024, de 19 à 21h (Lyon 2e) ; entrée libre

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