Bilan / Excellente année cinématographiquement parlant, 2024 aura été, côté américain, un cru de renouvellement. Paradoxalement, plusieurs grands maîtres et figures fondatrices de notre cinéphilie semblaient disparaître du paysage sous nos yeux, à la défaveur de ratages artistiques ou de douloureux revers commerciaux, pendant qu'une nouvelle génération trouvait sa place.
Le retour de Francis Ford Coppola pour son arlésienne Megalopolis était la grande inconnue du dernier Festival de Cannes. Financé en totale indépendance, ce rêve de quarante ans devait annoncer le cinéma de demain, révolutionner le septième art... Laid et ringard de bout en bout, le projet pharaonique s'est révélé être un calvaire effarant de médiocrité, quand bien même il aurait su trouver des défenseurs complices. L'auteur génial d'Apocalypse Now n'est définitivement plus.
Légende des années 80 et 90, Kevin Costner revenait quant à lui à son genre de prédilection, le western, avec une ambitieuse saga intitulée Horizon. Le premier chapitre, anachronique mais attachant, a été un échec commercial si retentissant que ses suites finiront sur les plateformes. Désaveu suprême pour un homme qui espérait ramener une certaine exigence au blockbuster.
L'heure des adieux ?
A contrario, Clint Eastwood n'a fait aucun mystère de sa retraite imminente. Alors qu'il connaît un très beau succès en France, Juré n°2, thriller judiciaire solidement ambigu — parfaite conclusion d'une carrière dense — épate par sa modestie et sa maîtrise jamais ostentatoire. Clint Eastwood assume son âge et son positionnement, celui d'un vétéran qui a fait son temps sans jamais perdre en lucidité.
Après deux projets impersonnels, l'immense Robert Zemeckis retrouvait la grâce avec Here, évocation de décennies de vie à partir d'un seul lieu, où la technologie se met au service de l'émotion. Un testament cinématographique bouleversant sorti dans une indifférence générale, triste et cruelle.
Neuf ans après Mad Max : Fury Road, George Miller a de nouveau convaincu par la radicalité de sa proposition. Son Furiosa a pris le contrepied de son prédécesseur pour repousser les limites du grand spectacle et réfléchir à son mythe, quitte à connaître un échec cinglant qui pourrait avoir des conséquences pour la suite de sa carrière.
La Relève
Cinéaste clivant dont la réussite croissante irrite d'autant plus ses détracteurs, Yórgos Lánthimos a frappé fort par deux fois. D'abord avec son projet le plus pop et accessible, le kubrickien Pauvres créatures, qui permit à Emma Stone de remporter son deuxième Oscar. Ensuite, avec le film à sketchs punk et mal élevé Kind of kindness qui retrouve la méchanceté de ses débuts.
Enfin, sur le devant de la scène, Sean Baker a, en plus de sa consécration cannoise (et en attendant d'éventuelles récompenses supplémentaires), rencontré le public pour son génial Anora. Temps fort de l'année quelque peu éclipsé, Iron Claw, bouleversante tragédie autour d'une famille de catcheurs "maudite". Le long-métrage impose son auteur, Sean Durkin, comme le chantre d'un estimable classicisme, quelque part entre Eastwood et Malick. L'avenir est à eux.