Pépite / Avec une fresque immersive, Alice Zeniter nous plonge dans l'histoire de la Nouvelle-Calédonie, de ses reflets les plus scintillants à ses recoins les plus sombres.
Tass se sépare de Thomas, et décide de quitter la métropole pour rentrer en Nouvelle-Calédonie, où elle a grandi. À Nouméa, elle est professeur de français au lycée, retrouve ses amis, essaie d'oublier Thomas. Elle se pique d'intérêt pour deux de ses élèves, Célestin et Pénélope, deux jumeaux Kanaks (la population indigène de Nouvelle-Calédonie). En parallèle, Un Ruisseau, NEP (N'épousera-pas-un-pauvre) et FiDR (Fille-de-la-réussite) forment un mouvement d'empathie violente, et mènent des actions afin de faire ressentir aux blancs la dépossession. Jusqu'à ce que les jumeaux rejoignent le mouvement et relient les deux histoires.
Mouvement indépendantiste et passé colonial
Le roman est une plongée dans la vie quotidienne en Nouvelle-Calédonie, à l'instar d'Alice Zeniter qui a écrit une grande partie du livre sur place. Elle y décrit avec brio la complexité du mouvement indépendantiste et du passé colonial du pays. Et s'arrête aussi sur celle des déportés algériens : envoyés à vingt mille kilomètres parce qu'ils se sont soulevés contre l'autorité coloniale en Algérie, ils ont ensuite participé à la répression coloniale contre les Kanaks, leur permettant de passer du statut d'opprimé à celui de « blanc ». « C'est un ballet fascinant de cruauté coloniale et de remise en place des hiérarchies, qui empêche les lectures simplistes avec les gentils et les méchants, les dominés et les dominants » explique Alice Zeniter, elle-même d'origine kabyle. Livrant ici le lien avec sa propre histoire, elle souhaite avant tout pointer la complexité sans fin de la situation : « Avec un point de vue simpliste, on dirait qu'il y a les Kanaks et les colons. Sauf qu'en réalité, il existe un feuilletage de populations et d'histoires beaucoup plus compliqué et qu'il est impossible de priver de cette terre des gens qui sont des victimes de l'histoire » détaille-t-elle.
Une complexité sans fin
L'autrice de L'art de perdre – son quatrième roman fut récompensé par le prix Goncourt des lycéens en 2017 – et du vivifiant essai sur la narration Je suis une fille sans histoire (qu'on a beaucoup aimé) est de passage à Lyon pour sa pièce Édène, jouée au théâtre de la Croix-Rousse. C'est une version féminine et contemporaine du roman Martin Eden de Jack London, qui a donné envie à Alice Zeniter de devenir écrivaine. Ainsi Édène, jeune femme noire, veut écrire, et veut conquérir Rose, jeune femme blanche et bourgeoise. Mais pour vivre, elle travaille à la blanchisserie de l'abattoir. Dans cette pièce qu'elle a écrite et mise en scène aidée de Fanny Sintès, l'autrice aborde la violence de classe, les amours contrariées et l'élan inexplicable pour la création.
Frapper l'épopée d'Alice Zeniter (éditions Flammarion) ; 22 €
Rencontre avec Alice Zeniter le 14 décembre à 18h à la Villa Gillet
Atelier d'écriture avec Alice Zeniter le 14 décembre à 14h à la Villa Gillet
Édène jusqu'au 13 décembre au Théâtre de la Croix-Rousse
