Poésie / Ancien directeur du département littérature et langage de l'ENS et professeur de littérature française à Paris IV Sorbonne, Michel Murat a consacré un ouvrage dense à la période de renouveau poétique allant des années 1960 aux années 1980.
Guy Scarpetta, Jean-Claude Montel, Yves Bonnefoy, Philippe Jacottet, Edmond Jabès... autant d'auteurs qui sont mis en lumière par le travail de Michel Murat dans Les javelots de l'avant-garde, poésie en France (1960 – 1980) aux éditions Corti. Un titre en référence à la prose de Baudelaire « Pour piquer dans le but, de mystique nature, / Combien, ô mon carquois, perdre de javelots ? ». Une image qui a paru convenir à l'avant-garde des poètes selon Michel Murat, qui évoque dans son avant-propos que « L'avant-garde [...] s'est conçue à la fois comme une mystique du nouveau et comme une guerre dans laquelle les œuvres servent de projectiles offensifs ».
Après la parution de La Poésie de l'après-guerre en 2022 (aux éditions Corti), l'auteur poursuit son travail et retrace une période de profusion pour la poésie. Les revues spécialisées étaient nombreuses et soutenues par des maisons d'éditions. Parmi celles-ci, L'Éphémère (que Michel Murat cite abondamment dans son ouvrage) et plus d'une dizaine d'autres. C'était aussi les prémisses d'une conversation transatlantique : Denis Roche (le plus typiquement avant-gardiste, subversif au possible) traduisit Ezra Pound, Marie Albiach (autrice d'État, ouvrage spéculatif) fit de même pour le travail de Louis Zufosky.
Renouveau du mythe national : la résistance
Les velléités de bouleversement de ces poètes furent diffuses, puis « crescendo explosives » d'après Michel Murat qui rappelle que la poésie de l'après-guerre a dû construire « sur des ruines fumantes de terreur, de bouleversement de l'identité nationale, après une grande compromission [...] », ce qui permit l'émergence d'un nouveau mythe national, reposant sur l'imaginaire de la résistance, « l'ambition impériale laissant place à la francophonie ».
Michel Murat explore cette période de poésie expérimentale en choisissant précautionneusement les autrices et auteurs cités. Trop peu valorisées, de nombreuses femmes poètes ont marqué cette période (parmi lesquelles Anna Akhmatova, Sylvia Plath, Sophie Podolski ou Joyce Mansour abondamment citées dans l'ouvrage), Michel Murat rappelle aussi l'émergence de poètes indigènes, issus des colonies, offrant un prélude aux combats de la décolonisation.
Certains grands noms manquent à l'appel de cette époque florissante (Franck Venaille par exemple) mais cela n'entrave en rien la réflexion menée par son auteur, qui a pris le soin d'étayer sa démonstration de nombreux extraits, disséminés au sein d'un texte très érudit.
Les Javelots de l'avant-garde de Michel Murat (éditions Corti) ; 23, 50 €
Rencontre avec Michel Murat le mercredi 8 janvier à l'Œil Cacodylate.