Rap / Dans un registre tutoyant des écoles de hip-hop en apparence inconciliables, et à l'aide d'une écriture à la fois littéraire et spontanée, Wallace Cleaver se raconte intimement tout en mélancolie et viscéralité. Ample et saisissant.
« Est-ce que j'ai l'air d'être heureux à ton avis ? » nous demandait Wallace Cleaver sur le fulgurant çalavie, en ouverture de son avant-dernier album baiser. Une proximité immédiate s'établissait, dans les profondeurs d'un univers où la tristesse et la mélancolie prédominent, soutenue par une authenticité évidente et jamais démonstrative. La porte d'entrée idéale dans la tête d'un rappeur qui, au jeu des analogies stériles, pourrait être le trait d'union improbable et imparable entre Booba (période Lunatic/45 Scientific) et BB Jacques.
« C'est l'passé donc passons »
Sophistiqué et intuitif, brut et mélodieux, Wallace Cleaver affûte un style contradictoire et possiblement clivant à l'équilibre miraculeux. L'écriture très littéraire (entre Marcel Proust, Charles Bukowski et Oxmo Puccino), s'accorde avec un rap technique touchant ses inspirations à leur essence, flirtant ponctuellement avec le slam et la scansion. Il fascine autant par sa sensibilité instinctive, sa capacité à exprimer ses émotions en puzzle de mots et de pensées, que son refus de figer son art. Foncièrement solitaire (en dépit de ses débuts en groupe au sein de HPA MOB) mais enclin à collaborer (Django, Mairo, Jolagreen23, Sto...), une évolution discrète est perceptible à l'écoute chronologique (ou non) de ses différents projets.
Campagnard avec des goûts de luxe
« Ma définition j'en veux toujours plus / J'm'habille avec la peine, que voulez-vous d'plus ? » dit-il dans un titre hommage à l'un des grands classiques de Booba. Sous sa plume, l'égotrip ponctuel, fragile et puissant, se mue en riposte face au doute, en une arme poétique porteuse d'optimisme. Le spleen qui traverse son œuvre se fait moins l'écho d'une nostalgie exacerbée que celui d'une peur d'aller au devant d'un futur incertain et peut-être radieux. Vertige d'un artiste qui semble perpétuellement se livrer et se délivrer.
Wallace Cleaver
Samedi 25 janvier au Sucre (Lyon) à 20h00 ; de 10 à 20 €