Hyperpop / Représentante d'une nouvelle génération décomplexée, Arøne vogue entre les genres quitte à bousculer les prétendues barrières musicales. Avec une sincérité touchante, elle tisse un récit intime et accessible où sa liberté artistique va de pair avec son émancipation de femme.
À l'instar de Theodora ou BabySolo33 avant elle, Arøne appartient à une génération d'artistes féminines passées par SoundCloud, émergeant dans un paysage musical 2.0 en perpétuelle recomposition. Si elle flirte avec le hip-hop et son héritage, elle ouvre d'un même élan des voies alternatives aux historiques rap et RnB, élargissant son spectre de la pop mainstream à une hyperpop plus expérimentale. En trois projets cohérents et évolutifs, sa proposition hybride s'est clarifiée et étoffée sans perdre en sève personnelle ce qu'elle a gagné en densité sonore.
La meuf du balcon
Conséquences (2023), son acte de naissance artistique, faisait le bilan d'une adolescence récente traversée par un mal-être palpable. On y décelait un désir d'abandon, du doute et une nécessité de s'affirmer. Les fêtes et les excès potentiels, la quête de paradis artificiels, apparaissaient comme des remèdes éphémères. La maturité des textes doublée d'une certaine lucidité dans le propos emportait l'adhésion. Un saisissant mélange d'assurance et de fragilité derrière le micro, perceptible au fil des pistes, créait une sensation d'incertitude à l'écoute. Pourtant, à ce stade, le cloud rap d'Arøne, bien qu'attachant et prometteur, avait encore quelque chose de trop évident pour se démarquer pleinement.
Son EP, toutes mes larmes (toujours en 2023), est rapidement venu ébranler ce diagnostic premier. L'écriture s'est épurée sans relâcher ses motifs phares, laissant davantage d'espace à des atmosphères plus composites et à des mélodies plus structurées mais aussi plus accrocheuses. Bad days, titre phare, est symptomatique : les notes de piano précèdent une "électronisation" croissante, sonorités classiques et virtuelles s'entrechoquent, tandis que l'autotune maquille la voix de la chanteuse. Cette nouvelle peau tient moins de la concession que de l'affirmation d'une artiste, gardant les contours initiaux pour apporter d'autres couleurs à sa musique. Le spleen n'a pas disparu, loin s'en faut, elle se débat contre les pressions et injonctions sociales qui délimitent sa réalité, mais une lumière émerge, permise par cette acquisition de libertés nouvelles.
L'Affranchie
Fin d'été (2024), son ultime EP à ce jour, enfonce le clou. Dans cet opus d'émancipation, le « je », s'il conserve sa subjectivité intrinsèque, devient plus que jamais un miroir, interpellant implicitement l'auditeur, se parant d'une dimension universelle. Une puissance inédite se dégage de l'ensemble, transcende une fragilité assumée et revendiquée. Instantané de la vie d'une jeune femme d'aujourd'hui autant qu'un état des lieux nettement plus philosophique, l'œuvre se pose comme le point de référence d'une démarche. Ce cocktail addictif mêle simultanément ivresse et gueule de bois, adrénaline et baisse de tension. Arøne peint des sentiments contrastés (« T'es sûr qu'on s'est dit oui pour des grandes blessures ? ») à l'aide d'un langage instinctif, dont la simplicité apparente n'exclut pas une déroutante sophistication.
Arøne
Jeudi 13 février à La Marquise (Lyon 3e) ; 21€