La petite histoire / Alors que le musée de l'Imprimerie va fermer ses portes pour travaux dès la fin l'expo sur Jean-Luc Godard en mai, retour sur son histoire depuis la Renaissance.
C'est en plein cœur de la Presqu'île et pourtant c'est presque caché. Le musée de l'Imprimerie est installé depuis 1964 dans la rue de la Poulaillerie entre la rue de la Ré (bientôt piétonne ellle aussi) et la rue de Brest. L'histoire de ce bâtiment est très ancienne.
Quand il est édifié à la fin du XVe siècle, la rue s'appelle la rue Vandran — elle sera rue Maudite avant d'être celle où on s'échange de la volaille. L'époque est prospère à Lyon pour le monastère de Charlieu qui en est le premier propriétaire avant de laisser la place à de nombreux marchands qui se succèdent dans cette "hôtel de la Couronne" construite au XVe siècle. Le 3 décembre 1604, le bâtiment passe dans le domaine public en accueillant le Consulat (ancêtre de la municipalité) puisque ses locaux de la rue de la Fromagerie sont trop exigus. Mais ici se posent les mêmes problèmes qu'à côté. Malgré ses cinq corps de bâtiment, ses deux cours et son jardin, il n'y a pas de recul possible dans cette rue étroite, qui n'est donc pas facile d'accès et pas très sûr (notamment dans le contexte des manifestations des ouvriers de la soie en 1627). Un chantier plus au nord est donc lancé. Ce sera l'Hôtel de Ville place des Terreaux tel que nous le connaissons, financé en partie par la vente aux enchères de cet hôtel de la Couronne en 1646. Un temps fort de la vie municipale, durant lequel Louis XIII passe en visite royale et rédige en 1643, le fameux vœu des échevins fait à Notre-Dame, demandant une protection contre la peste à la Vierge Marie, le 8e jour de septembre. C'est 200 ans plus tard qu'il est finalement décalé à l'encore plus fameux 8 décembre.
Bas de casse
Repassant aux mains du privé, on ne retrouve plus beaucoup de traces de l'histoire de ces murs jusqu'à ce que s'y installe Le Crédit Lyonnais en 1863. 90 ans plus tard, la Ville de Lyon y revient, sous la mandature d'Édouard Herriot et sur insistance du conservateur en chef de la Bibliothèque municipale et de l'imprimeur Maurice Audin. À l'époque moderne, ils se battent pour que la ville se dote enfin d'un musée à la hauteur de l'importance de son rôle en matière d'imprimerie en Europe (Lyon est le 3e centre d'édition après Venise et Paris) puis pendant l'Occupation en faveur de la Résistance avec des imprimeries clandestines, rue Viala notamment. Audin est alors le premier directeur de ce nouveau musée qui possède notamment des bois gravés (près de 600 !) des XVIe et XVIIe siècles ayant servi à illustrer la Bible ou l'édition des œuvres de Rabelais avec les dessins de Gustave Doré. Des machines beaucoup plus récentes comme le premier modèle commercial français de la Lumitype-Photon de 1944 sont ici en dépôt comme des centaines d'estampes et d'imprimés de toutes sortes comme un (feu !) ticket de bus, une casquette du Tour de France, des publicités, pochettes de disque ainsi que des objets témoins de la révolution numérique (bandes perforées, disques durs...)
Chantier à venir
Également musée de la banque de 1963 à 1990, ces bâtiments abritent surtout le musée de l'Imprimerie depuis 1964 qui a obtenu, comme 1 200 autres dans l'Hexagone, l'appellation d'État "musée de France", en 2005. Pour répondre à l'évolution des arts graphiques, il a pris en 2014 le long nom de Musée de l'imprimerie et de la communication graphique. Mais ce n'est que provisoire car à l'occasion de gros travaux d'accessibilité (il y aura un ascenseur !) prévus du 1er juin prochain au printemps 2027, il changera de nom. La superbe cour intérieure et son allée à deux arcs avec voûte nervurée sera réaménagée, la billetterie ne se trouvera plus sur la gauche en entrant mais face au visiteur. Tout le parcours permanent sera revu de fond en comble.
Depuis quelques années, des expositions temporaires marquantes ont mis en lumière tous les aspects de ce vaste champ d'étude. On peut penser à celles sur le typographe Roger Excoffon, l'affichiste Gérard Paris-Clavel, ou plus récemment sur Susan Kare, la graphiste pionnière d'Apple, et l'univers de Miyazaki qui a fait exploser les compteurs des visiteurs (60 000 et des queues jamais vues dans la rue). Jusqu'à la géniale idée du directeur Joseph Belletante, arrivé en 2015, de se pencher sur la typographie chez Jean-Luc Godard. Clap de fin le 4 mai et brève réouverture le 17 mai à l'occasion de la Nuit des musées. Le parcours se fera à la lampe torche pour un dernier tour dans ces murs hantés d'une dense histoire lyonnaise.
Quelques dates
1493 : Première trace écrite de l'existence du bâtiment
1604 à 1655 : Fonctions d'Hôtel de Ville
1863 : Installation du Crédit Lyonnais
1956 : Récupération du bâtiment par la Ville
1964 : Inauguration du musée de l'Imprimerie
2005 : Obtention de l'appellation Musée de France
2014 : Nouvelle appellation, musée de l'Imprimerie et de la Communication graphique
2025-2027 : Travaux d'accessibilité et refonte du parcours permanent
Musée de l'Imprimerie et de la Communication graphique
13 rue de la Poulaillerie, Lyon 2e
Ouvert du mercredi au dimanche, de 10h30 à 18h ; de 6 à 8 € l'entrée
Actualité
Exposition Jean-Luc Godard, le typographe à la caméra, jusqu'au 4 mai
Visite du lieu
Nuit des musées le 17 mai 2025
