Fiat Lux / Un document exhaustif qui célèbre la création d'un art, nous plonge dans son histoire, son passé, pour mieux questionner son avenir.
Deuxième volet de l'hommage rendu aux frères Lumière par Thierry Frémaux, Lumière, l'aventure continue s'inscrit dans une actualité plus large, à savoir le 130ᵉ anniversaire du Septième Art. Tandis que son prédécesseur Lumière, l'aventure commence (2016) célébrait la naissance du cinéma, ce nouvel opus tend à disséquer la construction d'un langage artistique et à mettre en perspective sa pérennité. Le documentaire se compose de plus d'une centaine de courts-métrages, pour certains invisibles depuis des décennies. De ses premières expérimentations techniques et technologiques, à sa diffusion aux quatre coins du monde. Avant d'aller plus loin, saluons la qualité impressionnante des nombreuses restaurations. Soulignons également une volonté de rendre compte de l'expérience cinématographique originelle (jusque dans la multiplicité des images simultanées à l'écran) dans les meilleures conditions.
La Genèse
« Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s'accorde à nos désirs. » Cette citation extraite du Mépris de Jean-Luc Godard pourrait à elle seule décrire la fascination ressentie devant ces prises de vues. La notion d'aventure est plus que jamais de circonstance à force de multiplication des voyages temporels et spatiaux (récurrence des bateaux, trains, chevaux...). Aux plans fixes des balbutiements du cinématographe se substituent des mouvements de caméra amples, des travellings, une composition des cadres et un travail remarquable des profondeurs de champs. En germe, se révèle sous nos yeux toute une grammaire, mais également les codes inconscients de différents genres et courants. Le western tendance John Ford, le néoréalisme, le chambara de Kurosawa, voire les drames d'Ozu. Entre fondations, premiers contours et esquisse des possibles (l'intégration des comédiens au dispositif), derrière l'apparente simplicité, les frères Lumière ont tracé une voie révolutionnaire.
Nostalgie du futur
Si Lumière, l'aventure commence jouissait d'une dynamique des premiers pas, empreinte de frénésie et d'innocence, ce deuxième opus s'avère plus réflexif et mélancolique. Malgré quelques instants ludiques, tels ces "proto-gags", le tout se révèle nettement plus amer, parcouru, sinon d'inquiétude, tout du moins d'incertitude. La narration omniprésente de Thierry Frémaux, accompagnée des notes de Gabriel Fauré, questionne le statut actuel d'un art qui domina le siècle dernier. Il rappelle une évidence que l'on tend à oublier, contrairement aux autres disciplines, tournées vers le sacré ou les puissants, le premier geste cinématographique fut celui de filmer les classes prolétaires. Ici, des ouvrières des usines Lumière aux cultivateurs de riz au Japon, en passant par des pêcheurs italiens (préfiguration de La Terre tremble de Visconti), c'est toute la vie populaire de la fin du XIXᵉ siècle qui se déploie sous nos yeux. Une fois cet hommage rendu, ce retour dans le passé effectué, ses racines enfin exposées au grand public, le moment est probablement venu de se pencher sur son avenir.
Lumière, l'aventure continue
De Thierry Frémaux (France, 1h44)
En salle le 19 mars 2025
