Festival / Le jazz n'est pas qu'un genre, c'est un langage, un terrain de mutation permanente. La 44ᵉ édition de Jazz à Vienne orchestre cette année un dialogue entre filiations et hybridations, où les traditions se réinventent au contact d'énergies nouvelles.
Entre figures tutélaires et figures de l'avant-garde, entre transes électriques et envolées acoustiques, une fois de plus, Jazz à Vienne, déroule une programmation qui explorera l'ADN d'un jazz en perpétuelle recomposition.
Un fil rouge : le jazz, alchimie du temps et des influences
Si cette édition 2025 devait tenir en un principe, ce serait celui de la transmission : celle des formes, des héritages et des renaissances. De la contrebasse tellurique d'Avishai Cohen (26 juin) à la rythmique insurrectionnelle de Seun Kuti & Egypt 80 (11 juillet), en passant par le groove de Meshell Ndegeocello (3 juillet), Jazz à Vienne explorera les zones de frottement où se forgent les nouvelles identités musicales.
Le festival ne se limitera d'ailleurs pas au seul jazz. Le 9 juillet, la soirée hip-hop accueillera GoldLink, le rappeur américain qui navigue entre house et go-go music, ainsi que Rejjie Snow, prodige irlandais du spoken word et des atmosphères ouatées. Plus tôt, le 30 juin, la fièvre disco s'emparera du Théâtre Antique avec Dabeull, artisan d'un funk analogique et survoltage aux synthés rétro, et Galliano, l'icône du groove britannique, garant d'une "acid jazz attitude" intemporelle.
Les maîtres de cérémonie : figures tutélaires et explorateurs
Kamasi Washington (4 juillet), héritier du souffle incantatoire de Pharoah Sanders, continuera de propulser son jazz orchestral au-delà des frontières du genre. Dhafer Youssef (2 juillet), oudiste mystique, mêlera maqâms orientaux et élans improvisés dans un langage cosmopolite. Il interprétera en live quelques titres de son prochain album prévu pour l'automne 2025. Autre oudiste et alchimiste des cordes, Rabih Abou-Khalil (2 juillet), s'aventurera dans une nouvelle formation où le violon de Mateusz Smoczyński et le violoncelle de Krzysztof Lenczowski transformeront son oud en voix plurielle.
Le jazz vocal, lui, jouera sur l'intensité et le contraste le 8 juillet avec Dianne Reeves, descendante directe des grandes divas du swing. Elle côtoiera Madeleine Peyroux, dont le phrasé feutré rappellera l'école folk-blues de Leonard Cohen. Célia Kameni, entre jazz et textures électroniques, renouvellera le registre en y insufflant des influences allant de Joni Mitchell à Moses Sumney.
Donny McCaslin (4 juillet), saxophoniste au lyrisme explosif, viendra bousculer le Théâtre Antique, après avoir fait résonner son souffle sur le dernier album de David Bowie, Blackstar, sorti en 2016. Face à lui, Ishkero, étoile montante du jazz progressif français, promet une plongée dans un univers où la fusion se jouera en haute intensité.
Jazz à Vienne mettra également la création à l'honneur avec quatre concerts exclusifs imaginés spécialement pour cette édition. Pour la soirée d'ouverture du 6 juin, Anne Paceo dévoilera Atlantis, une création avec le Conservatoire de Lyon, offrant au public un aperçu de son prochain album, deux mois avant sa sortie. Ben l'Oncle Soul proposera une création autour de son nouvel album, accompagné de quatorze choristes du Gospel Philharmonic Experience. Une création destinée au jeune public, portée par Jeanne Michard, sera jouée au Théâtre Antique devant 8 000 élèves de primaire et, pour la première fois, sur la scène de Cybèle. Quant à la création franco-brésilienne réunissant quatre artistes, elle sera à découvrir à Cybèle et à Jazz Ô Musée, marquant ainsi la troisième année de ce projet.
Pour les amateurs de cordes, la soirée "guitares" (28 juin) réunira trois virtuoses : Biréli Lagrène, Martin Taylor et Ulf Wakenius, tandis que Thomas Dutronc et Stochelo Rosenberg feront le pont entre Django Reinhardt et la chanson française.
Lignes de fuite : quand le jazz fait imploser les frontières
Après la Suisse, place au Luxembourg ! Jazz à Vienne poursuivra son exploration des scènes européennes avec un focus sur le Grand-Duché, en collaboration avec Kultur | lx — Arts Council Luxembourg. Sur la scène de Cybèle, le vibraphoniste Pascal Schumacher et son groupe Singular, le pianiste Arthur Possing en solo, le trio Michel Reis — Marc Demuth — Paul Wiltgen et le quintet du trompettiste Daniel Migliosi donneront le ton. Du côté du Club, le public pourra découvrir le quartet de Jerome Klein et du trio Dock In Absolute.
On continuera l'exploration de la scène internationale avec Ben Harper & The Innocent Criminals (6 juillet) qui réconcilieront folk et reggae dans un blues introspectif où résonneront les héritages de Jimi Hendrix et Bob Marley. Monty Alexander (1ᵉʳ juillet), maître incontesté du piano swing, fera le lien entre l'histoire du jazz américain et la mémoire du ska jamaïcain. Michael Kiwanuka (3 juillet), dernier grand architecte d'une soul néo-classique, se tiendra à la croisée des routes entre Bill Withers et Otis Redding.
L'Afrique continuera d'irriguer la programmation, notamment lors de la soirée de clôture du 11 juillet avec Tiken Jah Fakoly. L'artiste prolongera la lignée du reggae engagé initiée par Alpha Blondy, tandis que Seun Kuti fera vibrer l'afrobeat en prolongement direct du combat musical de son père, Fela.
Dans le sillage des rythmes syncopés, l'autrichien Parov Stelar (27 juin), pionnier de l'electro-swing, propulsera le jazz dans l'ère du dancefloor, héritier hybride de Cab Calloway et de la house music. Kassav' (5 juillet), bâtisseur du zouk, poursuivra quant à lui son aventure festive, reliant biguine et funk en une célébration où le groove sera roi.
Concerts gratuits et moments à partager en famille
Jazz à Vienne continuera de faire vivre le jazz en dehors du Théâtre antique avec des formats grand public et gratuits. D'abord au théâtre François Ponsard et son format “club”, une scène dédiée au jazz contemporain qui verra se fouler par une foultitude d'artistes comme le trompettiste Daoud, le quintet Monsieur Mâlâ, le groupe Marthe ou encore Kuna Maze.
Le Jardin de Cybèle sera, lui aussi, animé par de nombreux concerts gratuits et rendez-vous. On pense au salon du disque, à un bal lindy hop ou bien à des déjeuners festifs. Enfin, le festival pense aussi aux plus jeunes avec une série de spectacles et d'initiations musicales adaptés aux enfants.
Programmation musicale complète :
- 23 et 24 juin Création jeune public : Jeanne Michard
- 26 juin : Anne Paceo / Avishai Cohen Quintet
- 27 juin : Parov Stelar / Gallowstreet
- 28 juin : Biréli Lagrène, Martin Taylor & Ulf Wakenius / Thomas Dutronc & Stochelo Rosenberg
- 30 juin : Donny McCaslin & Ishkero / Dabeull / Galliano
- 1ᵉʳ juillet : Monty Alexander / Dee Dee Bridgewater
- 2 juillet : Dhafer Youssef / Rabih Abou-Khalil / Arooj Aftab
- 3 juillet : Michael Kiwanuka / Lusaint
- 4 juillet : Kamasi Washington / Meshell Ndegeocello / Donny McCaslin & Ishkero
- 5 juillet : Kassav' / Ana Carla Maza
- 6 juillet : Ben Harper & The Innocent Criminals / Mountain Men
- 7 juillet : Thee Sacred Souls / Ben lʼOncle Soul & Gospel Philharmonic Experience
- 8 juillet : Dianne Reeves / Madeleine Peyroux / Célia Kameni
- 9 juillet : GoldLink / Rejjie Snow10 juillet : Jamie Cullum / Dominique Fils-Aimé
- 11 juillet : Seun Kuti & Egypt 80 / Tiken Jah Fakoly / BCUC/ Ninanda / Nana Benz du Togo / Tiken Jah Fakoly / NickyB
Jazz à Vienne
Du 26 juin au 11 juillet 2025 dans divers lieux à Vienne ; de 0 à 67 €
