Spectacle / Il y a quatre ans, Marlène Saldana créait "Showgirl", spectacle féministe et queer revisitant un film mal-aimé de Paul Verhoeven. Un joyeux tourbillon scénique à (re)voir au Point du jour.
« Rejeter la figure du père et les valeurs bourgeoises avec la barre de pole dance ? » Oui, Elizabeth Berkley, voilà ce que souhaitait montrer le réalisateur Paul Verhoeven dans son film Showgirls. Et voilà ce qu'a décidé de raconter la comédienne, danseuse et performeuse Marlène Saldana, artiste passionnante du spectacle vivant français, vue notamment chez Christophe Honoré (elle était Jacques Demy dans la pièce Les Idoles), Boris Charmatz et Sophie Perez.
Depuis quatre ans, elle tourne l'explosif Showgirl (sans s final), spectacle qui prend pour point de départ l'œuvre maudite de Paul Verhoeven, détestée à sa sortie en 1995 mais réévaluée ces dernières années par une poignée de fans. Sur scène, il est donc autant question de l'histoire du film (une jeune danseuse de strip-tease cherche la gloire avant que tout ne s'effrite progressivement) que des à-côtés de l'œuvre. Après la sortie du long-métrage, l'actrice Elizabeth Berkley, qui rêvait d'une grande carrière, a ainsi fini broyée, n'apparaissant par la suite plus que dans des productions de seconde zone.
Oratorio electro-pop
« La clim c'est comme une bite, si tu la mets à fond ça fait mal à la gorge. » Tout commence par Marlène Saldana en Tony Moss, producteur grossier et misogyne à la recherche de filles pour un show à Vegas. L'image d'ouverture pose d'emblée le décor. Jusqu'à ce que cette même Marlène Saldana se lance dans un récit chanté dans lequel l'héroïne du film évoque à travers elle son quotidien au son d'une musique entêtante signée Rebeka Warrior, géniale musicienne à qui l'on doit les groupes Sexy Sushi, Mansfield.TYA et Kompromat. Les compositions de Warrior, disponibles sur les plateformes, irriguent alors tout le spectacle, donnant à l'aventure des airs d'oratorio electro-pop.
Flamboyant, outrancier, kitsch, féministe ou encore acide, ce Showgirl jouant avec le trop-plein renferme de nombreux degrés de lecture. Surtout que Marlène Saldana et son complice en talons Jonathan Drillet, présent à ses côtés dans certains tableaux, aiment digresser longuement — sur la cancel culture, sur le slut-shaming, RuPaul, sur Romy Schneider... Et, au fil de discussions a priori erratiques, c'est le patriarcat qui se voit joyeusement cloué au pilori.
En découle une proposition réjouissante en plein dans le "camp", sous-culture du monde queer s'attachant à tout ce qui est exagéré, parodique, extravagant – le volcan-mamelon et le sexe géant lumineux sur scène en témoignent avec panache ! « Ambition, vulgarité, chaleur, danse, argent, sexe, pouvoir, vanité, show-business... Comment survivre dans un monde peuplé d'ordures ? » écrivent les artistes (vus également au début du mois à la Maison de la danse dans leur tout frais spectacle Les Chats) en note d'intention. Leur réponse ouverte est absolument savoureuse !
Showgirl
Du mercredi 16 au vendredi 18 avril au Point du jour (Lyon 5ᵉ) ; de 5 à 18 €
