Entretien / En parallèle de leur travail avec leur compagnie Superlune ("Vive"...), l'autrice Joséphine Chaffin met en scène avec Clément Carabédian son texte "Solastalgia", relatif à l'éco anxiété. Cela, avec les nombreux élèves interprètes de la 2ᵉ année de l'école Arts en scène. Détails de cette aventure singulière.
Le Petit Bulletin : Comment s'est établi le lien avec cette école préparatoire aux concours des écoles nationales supérieures ?
Clément Carabédian : J'ai été jury d'une promotion en 2022, mais on dialogue avec le directeur Éric Zobel depuis 2019. De plus, beaucoup de camarades ont travaillé là-bas (Pauline Laidet, Maxime Mansion, Baptiste Guitton, Olivier Borle, Louise Vignaud...). Ça nous a donné envie.
LPB : C'est un travail au long court de préparer ce spectacle ?
Joséphine Chaffin : On a six semaines de répétition et une semaine de représentation étalées entre décembre et avril. C'est plus long que ce qu'on arrive à avoir comme temps de résidence pour une compagnie professionnelle. Ce n'est pas de trop, car ils et elles sont 23. C'est un énorme défi pédagogique que de mettre chacun et chacune en valeur de façon assez égalitaire. On a une grande liberté, c'est une chance folle de faire ça une fois dans notre parcours. On en profite à fond.
LPB : Vous adaptez un texte de Joséphine. Comment s'est fait ce choix ?
CC : On avait la liberté de travailler sur ce qu'on voulait : de la même manière qu'on le fait en compagnie, on a choisi de travailler sur un texte de Joséphine. On a pris la décision de faire découvrir ce qu'est un travail avec l'autrice présente et co-metteuse en scène.
JC : On aurait pu choisir certaines de mes pièces plus courtes et faire une "sorte" de montage mais on a préféré travailler avec l'ensemble de la promo dans une seule pièce car celle-ci est harmonieuse et qu'il y a une belle ambiance. J'avais écrit Solastalgia pendant le premier confinement, en 2020. On avait commencé à la monter avec la compagnie, avec une distribution de quatre puis trois, au cours de différentes résidences entre 2020 et 2023. On l'a finalement mise de côté car Vive s'est intercalé entre temps. C'est une grande fresque épique qui s'étale dans l'espace et le temps avec beaucoup de personnages sur plusieurs générations. Avec 23 interprètes, on peut vraiment la déployer. De plus, la thématique l'éco-anxiété est concernante pour les jeunes, qui ne peuvent pas se projeter dans un futur vivable.
LPB : D'un point de vue économique, est-ce que ce type d'intervention en école est devenu indispensable pour l'équilibre — de plus en plus fragile — d'une compagnie ?
JC : Là aussi, c'est une super opportunité. C'est une enveloppe d'heures non négligeable qui compte dans notre intermittence. Elle tombe parfaitement bien car cette saison on a un peu moins de dates de tournée que la précédente. C'est un partenariat précieux que les compagnies vont sans doute chercher de plus en plus, étant donné le contexte économique très serré dans lequel on est. Cela faisait longtemps qu'on avait envie d'une aventure comme ça, et on attendait de se sentir prêtes et prêts en termes de transmission. C'est très formateur pour nous aussi.
LPB : Qu'est-ce que ça vous apporte de travailler avec cette génération qu'on voit moins dans les théâtres ?
CC : C'est très stimulant, même si cette promo est d'âges très variés. La plupart ont entre 20 et 30 ans et d'autres sont en reconversion. Ils et elles ont tous un vrai appétit de théâtre, ça apporte un souffle qui nous fait du bien.
JC : Actuellement, c'est compliqué pour les compagnies et les structures du spectacle vivant. Le début du travail avec cette promo est intervenu à un moment où on était un peu usé des efforts toujours plus grands à fournir pour diffuser et produire nos spectacles. Au sein des compagnies, notre temps artistique est mangé par le temps consacré à essayer de vendre nos spectacles et essayer de produire le prochain. Là, on travaille au plateau avec une promo pleine d'enthousiasme, ça nous reconnecte au désir de ce métier. Et ça nous rappelle que, même si le contexte est sombre et qu'il y a des raisons d'être alarmé, il faut y croire malgré tout et résister. Ça nous donne une responsabilité. Et ça nous fait du bien.
Solastalgia
Du 22 au 26 avril au théâtre de l'Élysée (Lyon 7e) ; de 11 à 15 €
Vive : en tournée la saison prochaine, au théâtre de la Renaissance (Oullins)