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La Bourse du travail, berceau des rires et des luttes

La Bourse du travail, berceau des rires et des luttes

Patrimoine / Vérino, les Franglaises, Aymeric Lompret, le festival Les Lions du rire... ainsi va la programmation de la Bourse du travail dans les prochains jours comme tout au long de l'année. Mais ce totem de la place Guichard est surtout un haut lieu des droits des travailleurs depuis sa création dans les années 1930, y siègent d'ailleurs toujours les principaux syndicats français. Zoom arrière.

1884 : adoption de la loi Waldeck-Rousseau qui autorise la création de syndicats de salariés et leur octroie le droit, interdit depuis un siècle, de se grouper pour se défendre face à leurs patrons. C'est dans ce cadre que s'inscrit la création des bourses du travail en France, notamment à l'initiative de la CGT. Elles accueillent des services de placement, de solidarité, de documentation, ainsi que des espaces pour les réunions. La première est érigée à Paris en 1887. D'autres suivent à Nîmes, Bordeaux, Saint-Étienne, Montpellier. Celle qui voit le jour à Lyon n'est pas celle que nous connaissons. Elle ouvre en 1891 dans l'ancien Théâtre des Variétés, aux Brotteaux, cours Morand (devenu cours Roosevelt) mais la mésentente entre les syndicalistes et la Ville, des problèmes de financement et l'exiguïté du lieu interrompent cette première aventure. Une autre naît dans le 3e arrondissement en 1936, et existe toujours aujourd'hui.

Public présent à la conférence en faveur de l'abolition ©Jean Rostand

Avec sa façade inspirée du constructivisme russe, elle ne passe pas inaperçue et s'inscrit surtout dans une époque où règne un nouveau matériau de construction : le béton armé, plus économique que la pierre et plus solide que le mortier. Cette ère moderne industrielle ne s'embarrasse pas d'ornementation. Le "pool" d'architectes de la Ville de Lyon le sait bien. Parmi eux, le célébrissime Tony Garnier (quartier des États-Unis, stade de Gerland, hospices civils de Lyon à Grange-Blanche...), Michel Roux-Spitz (salles des fêtes des 4e et ex 5e arrondissements — aujourd'hui 9e — devenues les théâtres de la Croix-Rousse et Nouvelle Génération). Et puis Charles Meysson à qui est confiée cette Bourse du travail. Il est aussi le concepteur à Lyon des grilles du parc de la Tête d'Or, de la mairie du 7e et surtout du Palais de la foire détruit depuis, au profit de la Cité internationale de Renzo Piano.

Temple du travail...

La construction de la Bourse du travail débute en 1929 sur les décombres de petites maisons en piteux état, en bordure d'une place carrée qui n'est pas encore nommée Guichard (il faut attendre 1935), du nom de ce typographe lyonnais, ancien élu municipal et député du Rhône. Sept ans plus tard, le bâtiment est inauguré avec sa gigantesque fresque latérale de 6, 5 mètres de haut et, 26, 5 mètres de long. Nommée La ville embellie par le travail, elle est signée du peintre Fernand Fargeot et représente des hommes et des femmes de différents métiers et statuts sociaux. Composée de 1 100 petits cubes de grès coloré "dans la masse" (une technique novatrice pour remplacer les pâtes de verre), elle a nécessité la collaboration de 35 mosaïstes. Dans ce cortège figurent par exemple l'architecte, mais aussi le maire d'alors Édouard Herriot (avec sa pipe) qui a fortement œuvré pour que cette bourse du travail voie le jour après les déboires de ses prédécesseurs (Antoine Gailleton et Jean-Victor Augagneur) sur le premier projet.

La ville embellie par le travail, du peintre Fernand Fargeot

De grandes luttes sociales se déroulent au Palais de la bourse, dont celles des métallos en 1938, menée par des "gars" du bâtiment et des traminots en 1958 ou encore la grande grève des fonctionnaires en 1958. La liste est longue. Martin Luther King (qui a sa statue sur la place) y prononce un discours le 29 mars 1966 pour dire la ségrégation dont est victime la population noire aux États-Unis et appelle à la fin du colonialisme : « En privant un homme de son travail, on le prive de son humanité et c'est une forme encore plus générale de l'esclavage ».

Aux mains des syndicalistes, la Bourse du travail passe dans celles de la Ville de Lyon en 1966, car le maire Louis Pradel (celui du tout-voiture) y voit alors une opportunité financière. Elle en est toujours propriétaire ; la salle Albert Thomas, du nom du syndicaliste, économiste et premier directeur du Bureau international du travail, se loue actuellement 8 750 € TTC pour une journée et permet d'accueillir 1929 places sur deux niveaux. Des travaux ont été faits en 1971 avec la suppression du plafond lumineux d'origine. Puis en 1995, c'est la rénovation de l'extérieur et en 1998 de l'intérieur (nouveau gradinage désormais — un peu — en déclivité, remplacement des fauteuils, rénovation des loges, nouveau matériel pour le son et la lumière et mise en sécurité du bâtiment).  La ville œuvre encore pour l'entretien de l'édifice et l'amélioration de l'accessibilité PMR existante.

Quelques dates :
1929 :
début de la construction
1936 : inauguration
1966 :  Devient propriété de la Ville de Lyon
1996-98 : Importants travaux de rénovation

... et de l'humour

Du meeting de Chaban-Delmas en 74 au concert de Beth Gibbons l'an dernier, la Bourse du travail est un des poumons de Lyon, mais surtout en matière d'humour. Il y a bien eu les Béruriers noirs (la ville avait promis aux organisateurs de dévisser les fauteuils pour l'occasion mais ne l'a finalement pas fait... ils ont fini dans un sale état !) mais les grandes heures musicales des 70's se nichaient au (feu) palais d'hiver de Villeurbanne.

Outre la salle de spectacle, la Bourse du travail renferme les locaux de la CGT, CFDT et FSU qui disposent de cinq salles de réunion allant de 40 à 112 places, de deux salles de congrès de 300 et 350 places, de 55 salles de permanence syndicale sur quatre étages. Ainsi qu'un logement pour le gardien, une salle de consultation juridique et un secrétariat avec salle d'attente et bibliothèque. Les services de placement originels ont disparu rapidement avec la création de l'ANPE ; la solidarité (assurance chômage, maladie...) a été prise en charge par les villes et l'État avec ce point d'orgue majeur qu'a été la création de Sécurité sociale en 1946.

Maison des travailleurs et travailleuses, le bureau d'accueil est ouvert sans rendez-vous du lundi au vendredi de 9h à midi pour toutes questions relatives au droit du travail dans le secteur privé, à l'accès aux conventions collectives, au Code du travail. Des choses de la vie, qui sont tout, sauf un détail.

La Bourse du travail
Place Guichard, Lyon 3e
Architecte : Charles Meysson

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