L’Infiltré / Devant et derrière la caméra, Lawrence Valin réussit son baptême du feu avec un polar d'action au milieu de la diaspora tamoule.
Un carton nous explique synthétiquement la guerre civile au Sri Lanka, la mission du héros est ensuite introduite par des gros plans de son visage. Little Jaffna propose une mise en place minimaliste et fragmentée. Michael, un jeune policier, doit infiltrer un groupe criminel tamoul blanchissant de l'argent au profit des rebelles séparatistes au cœur du quartier srilankais à Paris. Quelque part entre le polar solennel (Infernal Affairs ou son remake scorsesien, Les Infiltrés) et la série B efficace (le premier, estimable, Fast and Furious), le jeune cinéaste se montre aussi convaincant à la réalisation que dans l'interprétation du rôle principal.
Il était une fois en France
Lawrence Valin se penche sur une diaspora rarement traitée au cinéma, si on excepte le palmé Dheepan. À l'aide d'un plan-séquence discret et habile, il nous immerge immédiatement dans une atmosphère étouffante. On découvre une communauté vivant littéralement en marge du pays, régie par des codes et des règles inflexibles, assimilées par tous. Les télévisions diffusent continuellement des informations en direct du Sri Lanka (répondant aux événements de l'intrigue) et la police française ne peut que se fier qu'à son infiltré. Le héros est ramené à son statut de binational, traité de « blanc », autrement dit de traître. Une notion judicieusement illustrée par son visage marqué de vitiligo.
Cette approche réaliste et documentée s'accommode d'une appartenance revendiquée au polar hard boiled ( "dur à cuire" ) flirtant avec le pur film d'action. Le réalisateur prend un plaisir certain à revisiter les archétypes narratifs et les figures de style du genre (l'antagoniste Aya, chef de clan charismatique et crédible). En ce sens, le récit haletant mais balisé, se fait plus exotique par son cadre et son décorum, que ses péripéties et rebondissements. Valin convoque une imagerie plus proche du cinéma de Bollywood (à laquelle il greffe sécheresse et nervosité) que de celui d'Olivier Marchal.
Street Fighters
Par sa volonté d'offrir un spectacle brutal et rythmé, Little Jaffna emporte la mise avec une ferveur contagieuse. Il cherche par tous les moyens à dissimuler ses limites budgétaires et à en tirer un bénéfice créatif. Cet appétit insatiable s'accorde avec une réalisation d'une maîtrise épatante. Le cinéaste n'a pas peur de se laisser aller à une emphase et des effets tape à l'œil (mais jouissifs) contrebalancés par un usage intelligent du drone ou des mouvements de caméra amples et pertinents.
Les combats à mains nues spectaculaires s'enchaînent ainsi à intervalles réguliers. L'action se pose en prolongement du récit, telle l'expression explicite d'une tension latente et soutenue. Par sa cohérence et son homogénéité, le long-métrage constitue une proposition bienvenue dans le paysage hexagonal. Comme le récent Zion, il est appréciable que ce type de productions décomplexées et généreuses, puissent trouver le chemin des salles obscures et ouvrir la voie à d'autres. Modestement, Lawrence Valin se saisit d'un espace vacant entre le cinéma d'auteur classique et le « gros » divertissement.
Little Jaffna
De Lawrence Valin (France, 1h39) avec Lawrence Valin, Puviraj Raveendran, Vela Ramamoorthy...
En salle le 30 avril 2025