Street art / Entre ruelles pavées et façades Renaissance, une galerie dédiée à l'art urbain a discrètement pris ses quartiers sur les quais du Vieux-Lyon. Baptisée Holy street gallery, elle revendique une sélection mêlant artistes renommés et artistes émergents, pour offrir à cette discipline artistique une visibilité durable.
Fondée par Olivier Gamblin — alias "The Pop suréalist "— et ouverte en mars dernier, Holy street fait le choix d'un quartier plus connu pour ses bouchons que pour ses fresques sauvages. « C'est un hasard, mais je trouve ça drôle. Le street art vit aussi de ces décalages », glisse le fondateur, à la fois artiste, collectionneur et directeur artistique.
Formé à l'École supérieure d'art moderne de Paris, passé par la publicité, Olivier Gamblin développe depuis 2014 une pratique du collage empreinte de culture pop, d'iconographie politique et d'ironie. Il détourne notamment de vrais billets de banque, transformés en portraits décalés. « On vit dans une société obsédée par l'argent. Je veux redonner à ces billets leur statut de simples morceaux de papier, pourtant symboliques. »
Un dialogue entre scènes locales et internationales
Holy street expose aujourd'hui une soixantaine d'œuvres d'artistes français et internationaux, parmi lesquels des figures du street art contemporain comme Invader, Shepard Fairey, Madame ou Nasty. Certaines œuvres, originales ou en éditions limitées, sont rarement montrées à Lyon. « Je suis l'un des seuls ici à proposer des pièces de collection d'Invader. Il y a des collectionneurs à Lyon, mais peu d'endroits pour trouver ce type d'œuvres », note Olivier Gamblin.
Visible à la galerie jusqu'à début mai, l'exposition collective Collage / Décollage, rassemble plusieurs artistes du collage urbain. Parmi eux, Britt, artiste lyonnaise dont on a souvent croisé l'œuvre dans la rue — notamment son affiche déclinée à foison, hommage au portrait de la photographe Vivian Maier, ayant pour objet principal une enfant aux bras croisés et au regard inquisiteur.
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Faut-il encadrer la rue ?
L'un des grands débats autour du street art en galerie, est bien sûr celui de sa légitimité. Une œuvre née sur un mur a-t-elle encore du sens une fois encadrée, accrochée, vendue ? Olivier Gamblin ne nie pas ce paradoxe : « Oui, il y a un décalage. Mais la plupart des artistes que je montre travaillent en atelier, préparent leurs pochoirs, testent leurs couleurs. Ce sont des œuvres à part entière avec beaucoup de travail en amont, pas des gestes spontanés. » Il y a aussi, dit-il, un besoin de médiation « Beaucoup de gens sont fascinés par le street art mais ne savent pas comment l'aborder. Ici, on prend le temps d'expliquer. De raconter l'histoire d'une œuvre, d'un collage, d'une série. »
En somme, le lieu n'a pas vocation à "figer" l'art urbain, mais à le faire dialoguer avec d'autres publics. Tout le monde n'a pas traversé un terrain vague pour tomber sur une fresque. Tout le monde n'ose pas pousser la porte d'une galerie non plus. Holy street gallery tente d'incarner cette passerelle.
Dans un contexte où le street art est de plus en plus intégré aux politiques culturelles — balades officielles, fresques financées, communication territoriale — la galerie pose ses valises au cœur d'une période charnière. Les collectionneurs existent, mais vont souvent chercher leurs œuvres à Paris, Marseille ou Bruxelles. Holy Street gallery veut aussi retenir les acheteurs, leur montrer que Lyon n'est pas qu'un décor. « Il y a une forme d'endormissement à Lyon. On a des artistes de qualité, une vraie histoire du graffiti, mais peu d'espaces de monstration. J'espère que davantage de lieux vont ouvrir. La reconnaissance passera aussi par là. » conclu le galeriste.
Collage / Décollage
Jusqu'au 3 mai à Holy street gallery (Lyon 5e) ; entrée libre