Les Autres / Deux époques et trois personnages, pour un premier film mêlant plusieurs nuances de peurs à travers un récit en puzzle captivant et angoissant. Le grand retour de la terreur espagnole.
L'introduction impressionnante des Maudites épouse la perception altérée d'une protagoniste qui n'est par ailleurs, ni présentée ni introduite. Dans un geste physique et sensoriel (rappelant au meilleur du cinéma de Darren Aronofsky), le réalisateur filme une transe en boîte de nuit au rythme saccadé... Avant que le plaisir et le lâcher-prise ne mutent en des pulsions inexplicables, violentes et autodestructrices.
Pour son premier long-métrage, Pedro Martín-Calero suit, entre l'Espagne et l'Argentine et sur différentes temporalités, plusieurs héroïnes en proie à un mal invisible à l'œil nu, jamais prévisible ou attendu. Au jeu des analogies, il convoque autant l'elevated horror tendance A24 (It Follows, Hérédité) qu'une tradition plus ibérique de l'horreur (La Secte sans nom de Jaume Balagueró). Il partage avec ce dernier un savant mélange de mystère et d'épouvante, où la tension est à la fois narrative et visuelle.
Somebody's watching me
Le cinéaste démontre un talent certain lors des terrifiantes montées de peur, sans jamais user d'effets faciles (jumpscares ou sound design agressif). L'angoisse naît insidieusement, par le détail, convoquant tour à tour les maîtres Dario Argento et Brian De Palma. À ces prestigieux modèles, il emprunte la prépondérance et la primauté du regard. L'acte de filmer est ici non seulement cathartique, mais aussi essentiel. Le cinéma devient un révélateur du mal, il permet de relier entre elles les héroïnes, tout en rendant visible leurs calvaires et en dévoilant des vérités cachées.
Formellement, cette approche se traduit par un travail captivant sur la musique intradiégétique et sur les nombreux écrans (téléphone, ordinateur) inclus dans le cadre. Soudainement, sous nos yeux s'affichent des zooms dans la profondeur de champ ou des retours en arrière afin de saisir le danger. Surtout, le réalisateur parvient à transformer des éléments ingrats, à l'instar de conversations Whatsapp, en un véritable langage cinématographique. Il confronte ainsi, non seulement deux temporalités distinctes, mais aussi l'ultra-moderne à un certain classicisme, établissant subtilement un dialogue sur l'évolution des images.
Trois Femmes
Derrière son effroi brut et direct, se niche un propos puissant et sans concession. Au cœur du thriller à l'efficacité redoutable, la menace n'a rien de surnaturel, elle est l'incarnation d'un système oppressif séculaire. Ces « maudites » sont des femmes comme les autres, hantées par un mâl(e) omnipotent, bien décidé à ne leur laisser aucun répit. Ces héroïnes sont condamnées à se débattre, à lutter pour leur simple survie, sans échappatoire. Révélée par la série Élite et après ses passages chez Jaume Balagueró ou Amat Escalante, Ester Expósito affirme un goût pour le cinéma de genre et les univers torturés. Elle s'impose comme le visage 2.0 de l'horreur ibérique.
Les Maudites
De Pedro Martín-Calero (Espagne, France, 1h47) Avec Ester Expósito, Mathilde Ollivier, Malena Villa...
En salle le 21 mai 2025
