20 ans / Quentin Fricheteau est chef de projet et responsable de communication à la Maison des passages. Embauché il y a six mois, il opère une refonte du projet et du lieu à l'aube de sa vingtième année d'existence.
Le Petit Bulletin : Quel est votre parcours ?
Quentin Fricheteau : Je suis arrivé il y a six mois à Lyon, je m'occupe de la communication et de la programmation de la Maison des passages. Avant, je travaillais dans la communication culturelle à Paris, puis, beaucoup dans le sud de la France, à Marseille notamment, où j'ai participé à des événements pirates. On posait des DJ sets dans la rue, on a même monté un festival de musique.
LPB : Qu'est-ce qui vous a incité à rejoindre la Maison des passages ?
QF : L'histoire et l'identité du lieu m'ont beaucoup attiré. Qui plus est, il y avait un défi : la Maison des passages est quelque peu renfermée sur elle-même. Mon poste a été créé pour redynamiser le lieu, exploiter mieux la bâtisse, ouvrir de nouveaux réseaux.
Il y a une superbe cour intérieure de 80m² qui n'était pas du tout exploitée. On l'a inaugurée sous forme de guinguette pour le vernissage de l'exposition photographique de Sara Thiou, Machi Mouchkil, installée dans la salle arrière, qui, jusque-là, n'avait pas non plus été exploitée. L'idée est de proposer trois expositions par an dans cet espace, à partir des beaux jours.
La Maison des passages a besoin d'un coup de jeune, qui passe notamment par un renouvellement des publics et des projets culturels. Avec Nadine Chopin, qui prend en charge tout le volet administratif, nous orchestrons une refonte de son image, pour l'ancrer dans l'esprit des Lyonnais comme un espace culturel ambitieux, répondant presque à des logiques de tiers-lieu.
LPB : Qu'est-ce qui en ferait un espace proche de la philosophie des tiers-lieux ?
QF : Nous programmons désormais des expositions, gravitant le plus souvent autour du thème de l'interculturalité, du rapport entre les êtres humains et leur culture en les associant et non en les hiérarchisant. La prochaine exposition qui arrive est Rock[s] Odyssée, et compilera les photos de Pierre Terrasson, qui a capturé Vanessa Paradis, Serge Gainsbourg mais aussi les Stones, Björk, les Fugees. Pour le vernissage, le 15 mai prochain, il y aura un showcase de Mona Soyoc, chanteuse et cofondatrice de Kas product.
En plus de la compagnie de théâtre en résidence à la Maison des passages (la cie Novecento), on va aussi installer le plateau de Radio Bellevue, une radio libre composée par des artistes et des passionnés de musique. On a prévu des concerts, des showcases, des émissions et des expérimentations artistiques à partir de septembre.
Plus généralement, nous voulons multiplier les grandes tablées et les DJ sets en début de soirée ou le midi sous forme de brunchs, tels que nous avons commencé à le faire récemment. De même, nous programmons de plus en plus d'ateliers gratuits en plein air, liant la dimension participative à celle artistique.
On se nourrit des initiatives de nombreux lieux en France. Localement, il y a Collision ou le Lavoir public dans les Pentes de la Croix-Rousse, en termes de programmation musicale le Sonic est vraiment inspirant.
Côté social, nous répondons toujours à des projets "politique de la ville" : par exemple, avec Radio Bellevue, nous allons nous rendre dans les quartiers du 5e arrondissement pour monter des émissions de radio avec des centres sociaux, celui de Point du jour, de Champvert ou encore la maison de l'enfance de Ménival. Nous essayons de programmer des restitutions de tout ce que nous faisons à la Maison des passages.
LPB : Risque-t-on d'y voir se perdre la sève militante, engagée du lieu ?
QF : Nous souhaitons garder l'ADN alternative, sociale, et engagée, tout en incarnant un endroit interculturel et artistiquement pointu, c'est aussi pour cela que nous sommes subventionnés par la Ville, la Métropole, la DRAC et la Région (seulement pour les festivals).
Du Réveillon solidaire avec les Petites cantines, aux réunions des associations du quartier, en passant par les permanences de soutien scolaire le lundi, on ne perd rien de l'engagement de la Maison des passages. On continuera à accueillir des réunions féministes, antifascistes et à proposer une programmation entièrement gratuite.
Je trouve d'ailleurs que le renouveau de notre programmation artistique et culturelle se place dans la continuité de ces engagements. Par exemple, en juin, nous prévoyons une semaine entière consacrée au vivant avec des conférences données par des anthropologues, des ateliers pour apprendre à constituer des bacs de plantation, ou même, pour la partie détente, des dégustations de vin nature.
LPB : La Maison des passages a été plusieurs fois ciblée par des attaques de l'extrême droite radicale. Quelle lecture en faites-vous ? Est-ce que cela vous a fait douter de la ligne programmatique à tenir ?
QF : La dernière en date était l'attaque violente d'une conférence dédiée à la Palestine en novembre 2023. On n'est affiliés à aucun parti, on ne répond à aucun agenda politique et on ne souhaite vraiment pas se battre contre les fafs ["France aux français" ndlr], mais plutôt permettre la convergence des luttes. Cela ne changera pas. Ce quartier mérite d'être connu pour autre chose que parce qu'il abrite le camp de base de groupuscules d'extrême droite.