Doom / Depuis plus d'une décennie, Pallbearer sculpte des sonorités metal traversées de lumière, de douleur et d'introspection. Retour sur un parcours qui refuse tout statisme, à l'occasion de leur venue au Rock n'Eat.
En 2012, lorsque Sorrow and extinction surgit, peu soupçonnent qu'un tel album puisse marier avec autant de grâce le plomb et la lumière. Ce premier disque, porté par des riffs écrasants et une voix presque fragile, s'impose sans fracas, par la seule force de sa sincérité. Préférant le tragique au dramatique, la contemplation au pathos, Pallbearer pose ici les premières pierres d'un doom qui se fait sanctuaire, refusant la monumentalité du mausolée.
La hauteur par la charge
Deux ans plus tard, Foundations of burden confirme ce souffle grave et mélodique. Mais quelque chose change : les morceaux se densifient, révélant des nuances jusque-là tapies dans les ombres. La section rythmique y devient un socle mouvant, les harmonies vocales s'élèvent avec une assurance neuve, et l'ensemble évoque moins l'enlisement que la lente ascension d'un colosse intérieur. C'est là que Pallbearer cesse d'être une promesse pour devenir une voix singulière du metal contemporain.
Transitions, torsions
Glissé entre deux albums, l'EP Fear and fury agit comme une respiration. Le groupe y dévoile une autre forme de puissance, plus ramassée, sans jamais trahir ses fondations. Les reprises de Black Sabbath et Type O negative ne sont pas des révérences, mais des véritables translations permettant à la noirceur gothique de devenir un spleen solaire. Quelques mois plus tard, en 2017, Heartless dévoile le côté plus progressif du groupe d'Arkansas. Ici, la dissonance n'est jamais gratuite ; elle épouse les failles humaines, trace des trajectoires incertaines, rappelle que la beauté ne réside pas toujours dans la résolution.
Mémoire vive
Avec Forgotten days, en 2020, le groupe revient à une forme plus dépouillée. Mais ce n'est pas un retour en arrière : plutôt une épure. Huit titres pour exorciser le deuil familial, creuser le sol sous ses propres pas, et s'accrocher aux fragments de mélodie comme à des bouts de mémoire. La production, plus directe, confère au disque une honnêteté brutale. La lumière n'est pas revenue ; elle n'est jamais partie.
Brûler sans consumer
Dernier chapitre à ce jour, Mind burns alive pousse encore plus loin les tentations progressives. Des claviers diaphanes, des motifs orchestraux à peine esquissés, des ruptures douces : Pallbearer semble désormais composer dans une langue dont ils seraient seuls à maîtriser les inflexions. Le doom n'est plus un genre, mais une humeur, un filtre par lequel perce l'intime, l'ambigu, le fragile.
En refusant la répétition paresseuse comme l'avant-gardisme forcé, Pallbearer s'est construit un territoire rare : celui d'un groupe en lente métamorphose. Leur discographie trace une courbe qui ne vise ni l'ascension ni l'enfouissement, mais l'établissement d'un temps propre. Une gravité particulière, à la fois pesante et nécessaire.
Pallbearer et Wizard must die
Mardi 20 mai 2025 au Rock n'Eat (Lyon 5e) ; de 20, 49 à 22, 99 €