Waitress

de et avec Adrienne Shelly (ÉU, 1h44) avec Keri Russell, Nathan Fillion...


Adrienne Shelly fut l'égérie de Hal Hartley dans les années 90 le temps de quelques films formidables (The Unbelievable Truth, Trust me) avant de passer à la réalisation. Waitress est son cinquième film, le premier à sortir en France ; c'est aussi son dernier, Shelly ayant été assassinée chez elle l'année dernière, à tout juste 40 ans. L'optimisme de Waitress contraste avec cette tragédie, même si le film adopte les contours d'une comédie douce-amère dessinant aussi une vision peu romantique de la vie des classes très moyennes dans l'Amérique profonde. Jenna est serveuse dans un restaurant, où elle confectionne des tartes de son cru, seul moyen d'échapper à un quotidien misérable : mari possessif et violent, copines empêtrées dans leurs histoires de cœur, patron mal luné et, pour couronner le tout, grossesse loin d'être désirée qui l'oblige à constater le naufrage de ses rêves d'enfant. Le temps d'une idylle avec son gynéco, cette petite Madame Bovary va tenter une ultime fois de s'émanciper, rappelant au passage que le talibanisme n'est pas l'apanage des pays que les États-Unis combattent, mais ronge aussi en douceur sa société dite démocratique et civilisée. Waitress n'en fait cependant pas tout un drame, et le ton du film est celui, sucré et coloré, des tartes que Jenna confectionne. La mise en scène de Shelly, discrète, façon HBO, met en avant la valeur de son regard sur ses personnages qui ont tous droit, même les plus odieux, à leur petit moment de rédemption. C'est aussi un tremplin pour ses acteurs, à commencer par la formidable Keri Russell dans le rôle de Jenna, dont on est pas près d'oublier le regard mélancolique et profond et le sourire lumineux.CC


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