Sicko

de Michael Moore (ÉU, 1h53) "documentaire"


L'emploi des guillemets pour le terme "documentaire" n'est pas une fioriture. On savait Michael Moore peu avare en matière de manipulation de ses sujets (ici le système de santé américain) dans un versant tout ce qu'il y a de plus radical du mantra "la fin justifie les moyens". Comme tout procédé usé jusqu'à la corde, la mauvaise foi militante a ses limites, et Sicko en est la grandiloquente démonstration. Moore recycle quelques-unes de ses recettes dénonciatrices (l'agitation ad nauseam devant nos yeux de la misère forcément choquante des victimes, une fin coup de poing en forme d'agit-prop puérile), mais n'entend pas en rester là. Oh non. Il nous refait le coup de (on rouvre les guillemets) "l'analyse comparée" en allant "enquêter" en Angleterre (où l'on ne paie rien dans les hôpitaux - on vous file même de l'argent pour rentrer chez vous !) et en France. Et là, on nage en plein surréalisme. Chez un couple aux revenus moyens (8 000 euros par mois à deux !), on apprend benoîtement que dans notre beau pays, les dépenses majeures ne sont autres que les vacances, les légumes et le poisson (mais, ajoute notre Michael énamouré en nous montrant des images de manif, les Français ont tout de même le droit de se plaindre !). À ce stade, ce n'est même plus de la naïveté, mais de la malhonnêteté mensongère en bonne et due forme. Collage de bric et de broc de séquences sensationnalistes, où les faits se perdent dans les conjectures hasardeuses et les raccourcis dangereux, Sicko noie le bien-fondé de son sujet dans les atermoiements putassiers d'un réalisateur ne souhaitant rien d'autre que montrer son humanisme à tous les passants. FC


<< article précédent
La Vie d'artiste