4 mois, 3 semaines, 2 jours

de Cristian Mungiu (Roumanie, 1h53) avec Anamaria Marinca, Laura Vasiliu...


Un foyer d'étudiantes. Ottila boucle des préparatifs tandis que sa colocataire Gabita reste prostrée. La caméra est statique, privilégie un hors champ distancié, avant de suivre Ottila dans ses trocs divers au sein de la résidence. Cette introduction pourra paraître languissante, elle se révèlera au fil du film comme une rare respiration de ce film étouffant, montée crescendo dans l'horreur banalisée du totalitarisme, ses intolérables absurdités, ses cruautés ordinaires. Le décor environnant nous apparaît par fines touches successives, en arrière-plan, envahit le cadre dès que l'héroïne s'éloigne. La plus anodine des conversations recèle son lot de tensions, et nous dévoile avec une puissance saisissante la force de caractère de son personnage principal (grandiose Anamaria Marinca), systématiquement rabaissé par les moindres représentants de cette société rétrograde, où l'humiliation et la violence psychologiques sont les meilleures armes. Loin de toute esbroufe qui enfermerait le spectateur dans une mécanique bien huilée de prise d'otage affective, le parti pris de Cristian Mungiu d'opter pour de longs plans-séquences affirme en permanence sa nécessité, et donne aux films les atours d'un thriller au suspense intenable. Chaque plan charrie son lot de malaise, le moindre bruitage ou haussement de voix accentue la fébrilité du spectateur, qui accueille chaque coupe dans le montage comme un bref soulagement. D'une puissance dramatique que devraient lui envier bon nombre de films de genre, 4 mois, 3 semaines, 2 jours est la révélation d'un cinéaste majeur, à l'intégrité admirable.François Cau


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JOSÉ GONZALEZ