Time

de Kim Ki-duk (Corée du Sud-Japon, 1h37) avec Seong Hyeon-a, Ha Jung-woo...


La nouvelle ne surprendra pas ses aficionados : le cinéma de Kim Ki-duk est malade. Non pas de l'éternel prolongement de ses obsessions, ou de son flirt permanent avec son art consommé de la poésie barbare, mais du fait des ressentiments du cinéaste lui-même. Plus ou moins encensé à travers le monde, il souffre d'un manque de reconnaissance dans son pays qui le ronge (la critique l'assassine et le public le boude : L'Arc n'a réuni que 800 spectateurs en Corée du Sud). Après avoir publiquement crié sa haine d'un pays qui ne le comprend pas, Kim Ki-duk s'enferme dans un processus de victimisation artistique tristement prévisible. Il cherche à plaire au plus grand nombre, tombe dans le travers de l'auto-parodie tant esthétique (plans picturaux et poseurs, mise en scène languide jusqu'à l'ennui) que thématique (quête violente et désespérée de l'amour, mutisme ravageur). Avec Time, il se réconcilie à peine avec ses défenseurs les plus acharnés, qui voyait en L'Arc le film du renoncement. On peut même déceler, en étant de bonne humeur, une réflexion du réalisateur sur sa propre condition (un couple s'adonne à tour de rôle à la chirurgie esthétique pour tester son amour). Le temps d'une intro dérangeante (une opération de chirurgie dont on ne nous épargne rien), Kim Ki-duk fait illusion. Il nous compose des images léchées, bosse ses cadres et son montage avant de vite reprendre la pose. L'écho entre les deux parties de l'histoire résonne de façon téléphonée, témoigne d'une paresse d'écriture qu'on pardonnait au cinéaste lors de ses précédents essais, avant que son discours ne s'automatise et que l'autocitation ne verse dans la caricature, voire dans l'orgueil mal placé. La tristesse de voir un réalisateur majeur tomber dans les pièges de son propre système est infinie. FC


<< article précédent
Ratatouille