ELVIS PERKINS

Ash Wednesday / XL / Beggars Banquet


Son nom aurait pu faire de lui le croisement de deux pères fondateurs du rock n'roll, Elvis Presley et Carl Perkins. Mais s'il est en réalité le rejeton d'Anthony Perkins, mythique Norman «J'ai l'Œdipe en carafe» Bates de Psychose, Elvis Perkins est surtout le fils à pas de chance : son père est mort du sida quand il avait 16 ans, sa mère dans l'un des avions crashés sur le WTC, un certain 11 septembre. Ce Ash Wednesday aurait donc pu être le mausolée d'un destin marbré de cicatrices indélébiles, une cathédrale de cendres comme musée des états d'âmes. Multipliant les allers-retours entre l'avant et l'après (une partie de l'album a été écrite avant le 11 septembre), il sera surtout la bande-son d'une métamorphose : celle d'un drame en mondovision, presque irréel (le 11 septembre), en catastrophe intime irréversible qui tord le destin. Une manière pour Elvis Perkins d'embrasser l'universel, de le prendre dans la gueule à la vitesse d'un avion, et... de faire avec. Car la part sombre de Perkins ne transparaît, comme sur les bouleversants All the Night without Love et It's Only Me, que par la grâce d'un timbre fantomatique et ébréché qui rappelle à la fois un faux triste, le Suédois Matthias Hellberg, et un faux gai (mais vrai gay), Rufus Wainwright (sur le rutilant May Day). Et c'est en habillant son amertume de légèreté que Perkins nous fait atteindre, malgré tout, une forme d'apaisement. Comme il le dit si bien sur l'un des titres de l'album : «It's a sad world after all». SD


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Les 4400, saison 3