Chris Townsend

Chris Townsend / Éditions Phaidon


Une traînée de poudre ou, plutôt, de sels argentiques : l'œuvre fulgurante de la photographe Francesca Woodman tient entre ses débuts précoces, à treize ans, et son interruption tragique en 1981 à New York où l'artiste, âgée de vingt-deux ans, se suicide. Quelques centaines d'images à vous donner le vertige, à vous fendre les yeux, ou, tout simplement... à vous faire aimer la photographie. Dans la plupart de ses œuvres, Francesca Woodman se met elle-même en scène, en extérieur ou dans l'enceinte de studios défraîchis à Providence, New York, Rome... Elle y joue avec le temps pour ne laisser de sa silhouette que traces évanescentes et vaporeuses, et surtout avec le cadre et le dispositif photographique, semblant toujours vouloir en échapper, le briser, le convulser, lui tendre un miroir ironique ou morbide, l'érotiser. Le corps de la jeune fille, souvent nu, s'immisce, se blottit ou fuit dans les failles du temps et de l'espace : passer derrière une tapisserie lépreuse, s'évanouir dans la blancheur aveuglante d'une baignoire, s'improviser nymphe dans une forêt, disparaître derrière de nombreux masques ou voiles, éparpiller des fragments de soi à la surface trompeuse des images... Les éditions Phaidon consacrent une première et superbe monographie à Francesca Woodman, avec deux cents reproductions de qualité, un long texte introductif de Chris Townsend resituant son œuvre parmi l'histoire de la photographie et de l'art en général (Surréalisme, Gothique, proximités avec un autre immense photographe américain R.E. Meatyard), des extraits inédits de ses journaux intimes et un témoignage de son amie Betse Berne. Indispensable. JED


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