Les Infiltrés

MARTIN SCORSESE / TF1 vidéo


À sa sortie, ce film a provoqué une petite querelle dans nos colonnes, portant sur la comparaison avec le film original dont il est le remake, Infernal affairs. En apparence, en effet, Scorsese et son scénariste William Monahan (responsable de l'ambitieux mais assez abscons script de Kingdom of heaven) respectent toutes les péripéties du film d'Andrew Lau, allant même jusqu'à piocher dans ses deux suites des éléments supplémentaires. Mais quand on prend un peu de recul, Les Infiltrés ressemble surtout à un remake de Gangs of New York, cette somme aussi ambitieuse qu'indigeste dans laquelle Scorsese avait investi pas moins de trois ans de sa vie. Ici, avec ce qui s'apparente à un matériau plus léger (un flic chez les truands, un truand chez les flics), le cinéaste arrive au bout de sa réflexion sur l'identité américaine : des communautés qui s'affrontent et ne se mélangent pas, un système qui, hypocritement, répartit les rôles des bons et des méchants, se réservant à tout instant le droit de rebattre les cartes pour servir ses intérêts. Ce n'est donc pas la surface, trompeuse, qui compte, mais les galeries souterraines où les taupes et les rats pullulent - là encore, cette idée figurait au début de Gangs of New York, mais bien plus maladroitement exploitée ; et ce n'est pas la lettre de ce thriller par ailleurs magnifiquement mis en scène et interprété, mais son sous-texte constant qui en fait la force. Quant à son final, d'une noirceur extrême, il prouve que Scorsese est aujourd'hui le seul vrai infiltré au sein des studios américains...CC


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AÏWA