Don't Look Back

D.A. PENNEBAKER Sony BMG


Connu pour être le documentaire rock à la fois originel et ultime, Don't Look Back (1967) suit un Bob Dylan sur sa tournée anglaise de 1965, de chambres d'hôtels en coulisses, d'extraits de concerts en joutes verbales diverses. Exercice dans lequel Dylan se révèle tel qu'en lui-même : brillant, génial, tendu, arrogant, cruel (notamment avec son alter ego Anglais, le très neuneu Donovan), et finalement moins sûr de lui qu'il ne veut bien le laisser paraître du haut de ses ergots. Car ce que révèle aussi Pennebaker c'est l'impuissance d'une pop star naissante à se dépêtrer des étiquettes qu'on lui colle (chanteur folk, héraut d'une génération) et l'impossible dialogue avec la presse mais aussi, grand écart entre adulation et incompréhension, avec ses fans : «Mon vrai message : «gardez la tête froide et ayez une ampoule»», ironise-t-il en brandissant une ampoule géante devant une assemblée de journalistes médusés. Le contraste de ces moments backstage n'en est que plus saisissant avec les extraits de concerts où Dylan, seul à la guitare, parfois à peine éclairé, a l'air d'un garçonnet touché par la grâce et enfin apaisé, entamant chaque concert par son antienne du moment, le prophétique The Times they are a-changing. Car le film, implacable et brut, donne aussi à voir, redoutable scène de négociation entre le manager Albert Grossman et un programmateur de la BBC, la naissance d'une industrie musicale aiguisant ses couverts pour un festin dont elle pressent l'imminence autant que l'opulence. SD


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