THE NATIONAL

Boxer / Beggars Banquet


Depuis le sépulcral Sad Songs for Dirty Lovers (2003), le grave Matt Berninger ne nous a guère habitués à l'optimisme. Sur Fake Empire, fidèle à lui-même il maugrée : «we're half awake in a fake empire». Ensuqué de la sorte par une société sédative, The National a logiquement remisé le pan le plus brut de sa musique, magnifié par intermittence sur Alligator (2005). L'œuvre du groupe était alors plutôt bipolaire, entendez maniaco-dépressive, alternant, sans couture apparente (saluons ici le travail d'un batteur exceptionnel), les phases de rage euphorique et de déprime langoureuse. Toujours travaillée en profondeur par la voix de Berninger, classe éreintée d'un Leonard Cohen et crooning zombifié à la Ian Curtis, cette musique de la reddition est pourtant traversée de jolies éclaircies folk (Golden gloves, Start a War), quelques souriantes inflexions symbolisées par la présence discrète du pinson du Michigan, Sufjan Stevens, venu tâter du clavier (Ada). «Impressions de beau temps sur ciel maussade» glousseraient les miss Météo. Restent quelques morceaux de bravoure rentrée, new-wave de cathédrale achevant l'inhumation programmée d'Interpol (Mistaken for Strangers ou le très classe Apartment Story). Ce Boxer groggy est de ces albums contre lesquels on s'épuise à se cogner pour les cerner tout à fait, avant de regretter l'amère réalité entrevue, par exemple sur Mistaken for Strangers : "You wouldn't want an angel watching over / Surprise, surprise, they wouldn't wanna watch". SD


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