BRIGHT EYES

Cassadaga Saddle Creek/Universal


On a failli passer à côté du nouvel album de Conor Oberst, alias Bright Eyes, pour de fort mauvaises raisons. Prodige du folk américain, il semble se lancer à chaque disque des défis de plus en plus élevés, mais celui de Cassadaga est pour le moins risqué : intégrer définitivement le clan fermé des artistes mainstream portant l'héritage d'une tradition musicale très américaine, sans pour autant délaisser son côté écorché vif et sa capacité à métamorphoser une chanson en long poème fébrile. Après quelques écoutes, il ne fait aucun doute que le challenge est largement relevé. Si Oberst choisit d'explorer une voix country déjà ébauchée sur I'm wide awake it's morning, il le fait avec l'aide de musiciens venus d'horizons très différents (Matt Ward ou deux membres de Tortoise, John MacEntire et Dan Bitney), et conserve surtout intact tout du long son incroyable talent d'auteur. Les textes peuvent ainsi explorer aussi bien les tourments intimes que pourfendre les édiles du gouvernement, et conduisent parfois à une forme de gospel laïc, comme sur l'impressionnant I must belong somewhere, où Oberst dessine une cosmogonie faussement idéale d'un monde qui vacille sur ses bases à force de se chercher des certitudes. Quelque part entre Johnny Cash et Neil Young, Bright Eyes a peut-être en effet trouvé sa juste place...CC


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