Irina Palm

Une brave ménagère anglaise devient madone de glory hole dans un sex shop pour financer l'opération qui sauvera son petit-fils : un drame social cinématographiquement assez timoré, tenu de main ferme par une grande Marianne Faithfull. Christophe Chabert


Si certains croient encore au miracle économique anglais, son cinéma se charge de saper leurs dernières espérances, multipliant les chroniques contemporaines qui renvoient à peu près toutes au même caniveau social, dans lequel seul surnage la dignité de personnages bien décidés à ne pas se laisser aspirer par la poisse. Ainsi va la vie de Maggie, veuve quinquagénaire sans emploi, jouant aux cartes avec ses copines bourges dans une petite ville grise des faubourgs londoniens. Le petit-fils de Maggie se meurt à l'hôpital d'une maladie rare, et ses parents n'ont pas un kopeck pour payer le voyage vers l'Australie où la promesse d'un traitement les attend. Maggie cherche alors du travail et se fait jeter à peu près partout - trop vieille, pas assez d'expérience... Le seul qui lui ouvre les bras, c'est le patron classe mais autoritaire d'un sex shop : il lui propose de devenir branleuse professionnelle via un glory hole (un trou dans le mur à travers lequel l'homme glisse son pénis). Douée, elle se transforme en Irina Palm, indispensable cheville ouvrière de ce petit business du sexe qui ressemble, dans le fond, à n'importe quelle usine dans n'importe quel coin du monde.Branlette à la chaîne
La métaphore est claire : ce geste transgressif, Sam Garbarski l'utilise pour faire réagir son spectateur, qui n'aurait pas autant cillé si Maggie avait vissé des boulons à la chaîne. C'est pourtant la même forme d'exploitation, le même degré d'application, la même quête effrénée de productivité... Cela étant, au bout d'une demi-heure et une fois l'enjeu posé, le cinéaste se trouve face à une alternative cinématographique : soit s'enfoncer dans un film radical et conceptuel où le défilé ad libitum des clients produirait un discours tranchant et dérangeant sur le monde du travail ; ou alors tenter d'aérer le récit en le dramatisant. Entre pure mise en scène et romanesque scénaristique, Garbarski choisit la deuxième option et se heurte vite aux écueils du genre : insuffler sans arrêt du récit, du rebondissement et des révélations, parfois très artificielles (la tentative de débauche par la concurrence) sinon carrément hypocrites (les mœurs du mari défunt, comme une excuse facile et rassurante pour le spectateur). Si Irina Palm tient tout de même la distance, c'est grâce à son actrice (et aussi à Miki Manojlovic, parfait en mac sensible). Marianne Faithfull, l'ex-égérie du rock 70's transformée en grand-mère courage qui exprime son humanisme à la force du poignet, c'était hautement casse-gueule ; à l'écran, c'est juste formidable, émouvant, terriblement vrai. Une grande actrice pleine de foi envers un personnage assez inoubliable...Irina Palm de Sam Garbarski (Ang-All-Belg-Fr, 1h43) avec Marianne Faithfull, Miki Manojlovic...


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Coffret 8 films