Trompe l'œil

MALAJUBE / City Slang / V2


Après Pierre Lapointe, Malajube démontre, essentiellement par l'absurde, que le renouveau de la chanson rock française est en fait Québécois. Après des années d'invasions barbares de chanteuses briseuses de cristal (et de bien d'autres choses auxquelles on tient), ça ne fait pas de mal. Avec Trompe l'œil, Malajube pousse à son paroxysme le travail entamé avec Le Compte Complet : des histoires d'amour faussement romantiques (Jus de Canneberges, Le Crabe) et souvent libidineuses (Montréal -40°C, Pâte Filo) aux titres la plupart du temps idiots (Etienne d'Août) et aux paroles loufoques. Car Malajube manie les mots avec une virtuosité qui n'évite aucun écueil, s'y cognant au contraire pour mieux les exploser, avec une énergie créatrice impressionnante : du rock de saloon de Ton plat favori aux envolées du magnifique Etienne d'Août (une aile de Sigùr Ros, une autre d'Arcade Fire) en passant par un étrange rap électro pop (La Russe, avec Loco Locass). Mais derrière ce fatras sonore indescriptible, se fait jour une identité musicale très forte : une production singulière, cousine des coups de grisou de Constellation, et le filtrage systématique de voix muées en chorale ectoplasmique. Avec ce disque, Malajube trônera sans doute sur les podiums à l'heure des bilans de fin d'année, mais on peut d'ores et déjà proposer au Québec un échange : Malajube contre Garou, Isabelle Boulay et Natasha St-Pier. Et avec, s'ils veulent, on leur file les Naast, on ne s'en sert pas de toute façon. SD


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