Les Oubliés

Christian Gailly / Éditions de Minuit


«Il se trouve simplement que l'un des deux occupants de la voiture s'appelait Paul Schooner. Il est mort. Pas dans l'accident. On vient de le voir. Peu de temps après. Des suites de l'accident. L'autre occupant, c'était Albert Brighton». Voilà comment débute le dernier roman de Christian Gailly. Paul Schooner, journaliste spécialisé dans les artistes oubliés qui sont retombés dans l'anonymat après avoir connu la gloire, est simplement mort. En un instant, il ne reste qu'une chose : le souvenir. Et, comme le suggère Beckett en exergue de ce livre, «c'est tuant les souvenirs». Alors, Brighton essaie de faire avec. Tente de comprendre le vide. De le peupler, aussi : «il ne reste rien de Paul Schooner. La goélette s'est évaporée. Même si la métaphore navigue encore dans des : Je pense à lui. Ou bien dans des : Je me souviens de lui. Ou bien dans des : Je l'aime encore. L'aimerai toujours. Jusqu'à ma mort. Après, plus rien. Je ne réponds plus de rien». Avec ce bref récit à l'écriture morcelée, Christian Gailly donne une nouvelle variation minimaliste et sensible sur ses obsessions de toujours : la mort, le vide, l'oubli. Ses personnages sont des pantins tristes en qui il n'essaie même pas de nous faire croire. Christian Gailly se fout des histoires, se fout des intrigues, des rebondissements, de l'imagination qu'on prête aux romanciers. Il ne fait qu'essayer de comprendre, en nous menant dans son sillage, cette effroyable énigme humaine que seuls la musique, l'ardente ironie et l'impossible amour parviennent, de temps en temps, à contourner. YN


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