La Marque du père

Michel Séonnet / Gallimard


La marque dont il est ici question, c'est un minuscule rond bleu tatoué sous l'aisselle de son père que Michel Séonnet, regarde, enfant, avec une incompréhension mêlée d'inquiétude et qu'il redécouvre au moment de sa mort. Ce n'est qu'à l'adolescence qu'il a compris que ce O gravé sur la peau, symbole du groupe sanguin universel, constitue la preuve irréfutable que ce père avait fait partie, durant la seconde guerre mondiale, de la Waffen SS. Qu'il était un milicien, un collaborateur. Cette marque se transforme en empreinte indélébile dans la conscience de Michel Séonnet, et détermine sans doute la nécessité d'écrire qui anime depuis de nombreuses années cet auteur précieux et trop peu connu. Dans ce récit bouleversant, il revient pour la première fois de manière autobiographique (il l'avait fait par le prisme de la fiction dans Que dirai-je aux enfants de la nuit, son premier roman) sur les stigmates d'un héritage plus que lourd à porter... Comment accepter ce visage, si ressemblant à celui de son géniteur ? Comment assumer un nom bafoué par l'ignominie ? Comment briser le pacte de silence établi avec son père ? Au fil d'un texte tendu et âpre, il montre la difficulté d'un fils à se situer par rapport à son passé et à se nourrir de racines viciées, mais il dissèque aussi les mécanismes de la création littéraire et les turpitudes de l'écrivain qu'il est devenu : «Quel paradoxe, pour un écrivain, d'être né dans une famille dont l'histoire est «comme un roman», et de se refuser obstinément à l'écrire !». Avec La Marque du père, Michel Séonnet y est assurément parvenu. YN


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