La Môme

d'Olivier Dahan (Fr, 2h20) avec Marion Cotillard, Pascal Greggory, Gérard Depardieu...


Il y avait tout à craindre d'un biopic sur Edith Piaf réalisé par Olivier Dahan, qui restait sur le désastre colossal des Rivières pourpres 2. Surprise : non seulement le film dépasse les attentes mais il s'impose sans mal comme le film français le plus intéressant depuis le début de l'année. Par une construction complexe à la temporalité éclatée qui refuse l'explication causale et y préfère une réflexion ambitieuse sur les divers visages de la môme Piaf, Dahan s'attache à séparer l'icône et le personnage de cinéma. Et quel personnage ! Petite fille taciturne élevée dans un bordel, junkie alcoolique et aigrie, interprète à succès, amoureuse éperdue, amante sans joie : le film préfère La Vie en noir à La Vie en rose... Tous ces visages, Marion Cotillard les endosse à la perfection, et a le talent d'en rajouter un : le sien, celui d'une jeune comédienne qui refuse de se laisser vampiriser par son modèle et de disparaître sous les couches de maquillage. Mais ce qui étonne le plus dans La Môme, c'est sa capacité à éviter les pièges du sujet par de constantes idées de cinéma : la plus belle étant le plan-séquence remarquable lors de la mort de Cerdan, concluant magistralement ce qui reste par ailleurs l'épisode le plus faible du film. Enfin, si le cinéaste évite l'effet nostalgie, il n'hésite pas à faire de Piaf un emblème national (la vocation lui vient en chantant... La Marseillaise) et à ridiculiser les Américains. On peut le lire comme un travers patriotique d'un goût moyen ; mais, plus métaphoriquement, on peut aussi regarder cela comme une manière d'importer un genre florissant aux États-Unis, d'en respecter les règles tout en faisant vraiment confiance dans le spectateur, contournant ainsi le formatage psychologique de ses modèles (par exemple l'affreux Ray). On insiste : de la part d'Olivier Dahan, c'est quand même très étonnant !Christophe Chabert


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