FLORENT MARCHET

Rio Baril (Barclay/Universal)


En voilà, un sacré grand disque ! Ce que rien ne laissait prévoir, et surtout pas le premier album de Florent Marchet, Gargilesse, qui n'avait pas l'ambition de ce bouquet de chansons vénéneuses. On peut les cueillir une par une, saisir leur puissance mélodique, leur écriture parfaitement aiguisée et leurs arrangements audacieux mêlant guitares, cordes, samples et cuivres. Mais elles ne trouveront leurs envergures qu'envisagées dans leur continuité, comme un petit roman dont la visée est immense : faire le portrait d'une génération de deux points de vue, celui de la Province profonde et celui des Bobos parvenus. Que nous dit Florent Marchet sur cette génération ? Que, des villes ou des champs, elle se trouve comme points communs les mêmes renoncements : famille en lambeaux, haine de soi, sexe triste, solitude en couple, réflexes de classe, démagogie de bistrot... Commencé comme un western (le village d'où l'on part et où l'on revient), continué sur le mode de la chronique sociale (une poignée de morceaux gueule de bois sur le temps qui passe et les illusions qui s'effondrent), l'album s'achève par un envoi presque métaphysique : une chanson exceptionnelle sur les vies ratées (Tout est oublié). C'est sûr, c'est pas du Cali ! Épaulé pour les textes par l'écrivain Arnaud Cathrine et pour la production par le glacial Erik Arnaud - que des rigolos ! Marchet a pourtant l'intelligence de ne jamais sombrer dans le misérabilisme, l'album étant porté par une étrange euphorie, un humour permanent venant atténuer la noirceur du propos. Mais la charge, explosive, porte : on n'avait pas entendu disque si stimulant depuis des lustres !CC


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Un homme est mort