La Vallée des Merveilles

Joann Sfar BD/Dargaud


L'année dernière, on avait laissé l'ami Sfar sur les 850 pages roboratives de Caravan, le cinquième tome de ses carnets intimes dessinés. Aujourd'hui, le Niçois confesse avec soulagement avoir un peu lâché l'exercice qui finissait par virer à la consignation obsessionnelle (mais géniale) de son quotidien. Se libérant de sa manie (autobio)graphique, dernier rempart face à la fuite du temps, mais ne renonçant pas pour autant à tirer le portrait de ses proches, l'auteur du Chat du Rabbin a choisi de "mettre tout le monde à l'abri dans une histoire de fiction" - confession faite dans la vingtaine de pages de notes présentées en fin d'album, pages dont les inconditionnels des carnets se repaîtront avec délices. La Vallée des Merveilles, c'est donc la famille Sfar, les amis, les ennemis et même les animaux, transposés dans un cadre préhistorique mi-réaliste, mi-fantasmé, juste histoire de rendre hommage (avec un plaisir immense) aux "héros à moitié à poil qui filent des mandales" de son enfance. Parti sur l'idée de faire "une histoire de Conan dans un style Sempé", Sfar ne peut s'empêcher de glisser tout un tas de considérations sur le monde, la science, les croyances, la BD - de façon très métaphorique -, sans jamais oublier sa légèreté et son humour d'intellectuel paillard. Faisant preuve d'une liberté folle - de trait, de ton -, mêlant toujours aussi allègrement naïveté et trivialité, Joann Sfar signe une fois encore un album aux mille lectures, tout simplement euphorisant. EA


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