Chambre avec vue/Maurice/Howards End

James Ivory MK2 éditions (séparément ou en coffret)


Il serait grand temps de rendre justice à James Ivory. Non, il n'a pas tourné que des reconstitutions dans l'Angleterre victorienne. Il est l'auteur d'une trentaine de films, dont un certain nombre tournés en Inde comme le merveilleux Shakespeare Wallah. Non, il n'est pas non plus le chantre d'un cinéma académique sous prétexte qu'il fait des films d'époque et qu'il aime qu'une mise en scène reste invisible. Pour qui se donne la peine de regarder, il est bien davantage un documentariste du passé, observateur malicieux et érudit des mœurs, du savoir-vivre et du savoir-aimer. Chambre avec vue et Maurice, en plus d'avoir révélé une pléiade d'acteurs, de Daniel Day-Lewis à Hugh Grant en passant par Helena-Bonham Carter, sont tout le contraire de films conventionnels. Fonctionnant comme un diptyque sur l'amour (l'un hétéro, l'autre homosexuel), ils filment des personnages en position de faiblesse qui vont précisément devoir apprendre à lutter contre les conventions d'une société pour s'accomplir. La malice d'Ivory, c'est de traiter ce qui apparaît comme "normal" comme pas du tout évident : l'érotisme est toujours humoristique dans Chambre avec vue, et Lucy est en pleine confusion des sentiments. Et de filmer en revanche l'homosexualité comme un conte de fées bien réel : l'érotisme de Maurice, jusque dans les nombreuses scènes coupées en bonus, est toujours filmé au premier degré, comme une histoire d'amour à part entière, dont le garde-chasse (génial Rupert Graves), incarne l'absolue liberté. Quant à Howards End, c'est une fresque splendide au sujet là encore original : comment la bonté d'âme d'une femme continue de transmettre la vie au cœur d'un drame social. Difficile de trouver humainement plus intelligent. LH


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The Descent