Paranoia Agent

SATOSHI KON Dybex


Le générique vous plonge directement dans une perspective ambivalente : une musique lyrico-kitsch illustre une succession de zooms sur des persos hilares. Inexplicablement, une sensation de malaise vous envahit pour ne plus vous lâcher, chaque nouvelle fin d'épisode vous incitant à regarder cette intro avec un regard de plus en plus vicié. Sur une trame de fond empruntant au polar fantastique (l'agression de plusieurs personnes désespérées par un mystérieux "gamin à la batte"), Satoshi Kon (Perfect Blue, mais aussi les honteusement inédits en salles Millenium Actress et Tokyo Godfathers) et son scénariste nous présentent un portrait de la société nippone du point de vue de ses rejetons non désirés. Psychotiques, paranoïaques, schizophrènes, déviants sexuels, familles explosées, candidats bohèmes au suicide collectif, autant de déchets d'une machine à broyer sociale se profilant dans tous ses excès. Paranoia Agent prend un sournois plaisir à ausculter cette somme de malaise sur un ton tragi-comique, irradiant d'une trouble lucidité. Sur un fil rouge narratif autorisant toutes les digressions (au point que chaque épisode pourrait être un court métrage autonome), le réalisateur construit ses récits avec une habileté démoniaque, croise les intrigues, malmène ses personnages, jusqu'à l'explosion visuelle d'un ultime chapitre à l'ironie asphyxiante. À l'arrivée, cinq heures époustouflantes à visionner d'une traite, blotti contre la mini-peluche Maromi généreusement offerte dans le coffret.FC


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Aurore