Le Feu follet

LOUIS MALLE Arte Vidéo


Quelques plans sur un visage qui écoute ou un regard qui guette, et le mal s'installe. "C'est fini pour moi, je m'en vais." La date est déjà inscrite sur la glace de la chambre de repos de cet ancien alcoolique. Alain Leroy va se tuer. Il avait tout pour être là, beau, riche, intelligent, un peu trop peut-être. Il n'a plus le cœur d'y être. Le Feu follet, c'est l'histoire d'un homme de trente ans qui vérifie en permanence ce qui pourrait le raccrocher à la vie, en vain. Une Françoise Sagan au masculin qui n'aurait pas supporter la vieillesse. Un corps agité qui erre comme une âme en peine. L'impatience déçue, la jeunesse enfuie, l'insoumission et cette forme de résignation perpétuelle traversent chaque parcelle du visage de Maurice Ronet, immense comédien, monstre solitaire. "J'avais de la délicatesse dans le cœur, pas dans les mains." Les mots du roman de Drieu La Rochelle forment un des plus beaux dialogues du cinéma français, avec en prime une utilisation discriminatoire de la voix-off et du son (les Gymnopédies de Satie, les plans muets sur de sublimes visages de femmes se détachant comme autant d'icônes inatteignables) qui laisse pantois. Grand film sur la mort volontaire, Le Feu follet, comme le précise Louis Malle dans le bonus, est aussi un grand film sur une jeunesse qui pour être immortelle choisit de tuer dans l'œuf la vieillesse à venir. Le suicide pour Alain Leroy, c'est aussi la façon la plus scandaleuse de poser le problème d'une vie qui vaille vraiment la peine d'être vécue. De parvenir à devenir l'artiste de sa propre vie, ou d'y renoncer. Un chef-d'œuvre d'amour blessé, qui sort avec deux autres grands films de Louis Malle : Lacombe Lucien et Le Souffle au cœur. LH


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