Cesaria Evora

Rogamar Lusafrica/BMG


Elle a inventé la danse flemmarde qui consiste à remuer du popotin sans presque bouger les pieds. La mama Capverdienne revient avec un opus juste assez rythmé pour soutenir les mornas et autres saudades, et cette voix juste assez voilée pour trahir la mélancolie sans jamais insister. Ca fait longtemps que la comtesse aux pieds nus menace de dissoudre ses bonnes joues gorgées de soleil dans la soupe mondialisée, à force d'aller danser à tous les rateliers de la musique de bal. Ici elle en évite tous les écueils et nous surprend même en quelques textes poignants à aller chercher des émotions qu'on ne soupçonnait plus. Comme dans ce Sao Tome no equador qui renoue avec le Sao Tome qu'elle chantait dans Saudade, tout premier titre à l'avoir lancée. Seule avec piano, puis portée par l'accordéon du Malgache Régis Gizavo, elle réussit un des plus beaux titres de ce qui est à ce jour son meilleur album. Compos subtiles de Teofilo Chantre, duo majeur avec la voix sublime d'Ismael Lo pour continuer de tisser des liens entre Europe et Afrique, accompagnement haut de gamme (flûtes sautillantes, couleurs cuivrées ou violons ponctuels)... Si le duo avec Cali nous rappelle qu'on entend toujours plus les bruits de gorge et la respiration que la voix de ce dernier, il a néanmoins l'avantage en bilingue de souligner la portée, pas toujours reconnue, des textes de Cesaria Evora. Mais c'est surtout la permanence de cette voix hors du temps, digne et sobre, toujours au service du chant et jamais sous l'emprise d'aucune forme de séduction, qui la font demeurer une interprète véritablement unique. LH


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The Spinto band