Kirikou et les bêtes sauvages

Le second tome des aventures du minuscule enfant africain fait non seulement honneur au précédent, mais impose le méritant Michel Ocelot comme un véritable résistant, en lutte pour sauvegarder la poésie de l'animation en 2D. François Cau


A priori, le projet d'une suite au plus beau succès surprise de ces dernières années allait à l'encontre de l'esprit dans lequel son auteur l'avait conçu et pensé. Michel Ocelot, dont le travail acharné ne fut reconnu qu'à la paternité de ce personnage si attachant, aborde en effet son art avec une passion d'artisan chevronné. Le voir concéder une suite à ses bailleurs de fonds (et avant tout au public) était surprenant, mais l'intégrité du metteur en scène devait avoir raison des défiances. Michel Ocelot prend les attentes à rebrousse-poil : il ne livre pas une suite attendue, du genre "il a grandi, il n'est pas content", mais enchaîne quatre histoires limite anecdotiques, complétant le portrait légendaire de son petit bonhomme avec cohérence, tout en n'oubliant pas de faire voyager son spectateur dans des vignettes merveilleuses. L'animation fait vite oublier son apparence rudimentaire et embarque paisiblement dans des sketchs concrétisant l'audacieux pari de mêler simplicité et enchantement.Contes d'une nuit d'étéRappelons-le pour les endormis : Kirikou est un enfant à la petitesse remarquable, luttant avec ses semblables contre les assauts de la sorcière Karaba et de son armée de fétiches. À chaque instant de quiétude, la belle nemesis ourdit un énième mauvais coup, en sous-estimant systématiquement l'ingéniosité et le courage de notre jeune héros. Ici, le grand-père de Kirikou s'improvise griot et narre différentes situations où son petit-fils eut l'occasion de briller et de sauver son village (qui n'a pas encore connu les "aspects positifs de la colonisation"). Comme dans le premier opus, Michel Ocelot nous fait miraculeusement oublier les limites de son animation en nous abreuvant de morceaux de bravoure visuels, frappe notre imaginaire avec ses visions uniques. Une hyène monstrueuse fendant la nuit, Kirikou s'endormant auprès de sa mère devant les poteries finissant de cuire, l'intégralité du troisième sketch où notre héros traverse les étendues d'Afrique à dos de girafe, ou enfin la sournoise horreur dont se targue le dernier acte, autant d'éléments fondus dans le charme de l'ensemble, autant de scènes exaltant des sentiments féconds, rythmés de psalmodies un rien rébarbatives ponctuant la fin de chaque acte. On se surprend à ressentir un ébahissement puéril, on regarde autour de soi dans la salle et on constate le pouvoir de fascination du film sur les très jeunes enfants, reclus dans un mutisme passionné. Une chose est sûre, si nos gamins avaient aussi largement accès aux films de Michel Ocelot et d'Hayao Miyazaki qu'aux Disneys, Harry Potter et consorts, ils grandiraient moins cons.Kirikou et les bêtes sauvagesde Michel Ocelot et Bénédicte Gallup (Fr, 1h15) animation


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Birdy Nam Nam