Lost

J.J. ABRAMS (Buena Vista)


Sa diffusion cet été sur TF1 avait fait sensation. La sortie de la première saison de Lost en DVD (avec un 25e épisode inédit qui se termine sur un suspense insoutenable) le confirme : la télé américaine a accouché d'un nouveau monument ! La séquence d'ouverture pulvérise tout ce qu'on a vu sur un écran cette année, le pitch génial (des rescapés d'un crash aérien sur une île sauvage où des phénomènes inexpliqués font ressurgir les traumas des personnages) ne peut que rendre jaloux, et l'ensemble de la série tient toutes ses promesses : tension dramatique, profondeur psychologique, pari esthétique et narratif. Abrams, déjà créateur du fameux Alias, arrive ici au sommet de son talent : l'espace-temps dans lequel il déploie l'action est digne de Gus Van Sant dans Elephant. Pendant que, au présent, les personnages tournent en rond sur leur île, le passé ressurgit en flashbacks et vient bouleverser les idées reçues du spectateur. De fait, l'île de Lost est un véritable ground zero : "Nous commençons tous une nouvelle vie ici" dit John Locke, le baroudeur messianique de la série. Commencer, cela veut dire réapprendre à se parler (les ethnies cohabitent tant bien que mal), à se comprendre, à s'aimer, à faire table rase de ses douleurs, de sa culpabilité, de son hébétude, de ses peurs... Politiquement, Lost offre en effet une possible réponse à la paranoïa post-11 septembre : pas de méchants, mais des êtres brisés, réunis par le hasard, la fatalité ou un quelconque deus ex-machina (Abrams ressort ses énigmes ésotériques et mystiques, mais pour mieux s'en moquer), qui ne régressent pas vers la sauvagerie (Lost n'est pas Koh-Lanta) mais progressent vers l'humanité. C'est vraiment, vraiment superbe !CC


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