L'Autre rive

DAVID GORDON GREEN (Wild Side)


Distribué n'importe comment dans les salles (enfin, dans une salle !) en début d'année, L'Autre rive est quasiment ce que l'on a vu de mieux en 2005. Rattrapage de rigueur avec un DVD pas cher (15€, merci Wild side !) qui rend justice à ce très beau film. Rappelons l'argument de départ : deux frères (l'un ado, l'autre encore enfant), partent en cavale dans l'Amérique profonde après que leur père ait été abattu par un oncle-ogre pour une obscure question de pognon. Commence alors une dérive qui refuse la péripétie et y préfère le hasard des rencontres, se transformant lentement en un songe éveillé, entre rêve et cauchemar, entre conte pour enfants et drame pour adultes. La singularité de L'Autre rive est de se référer ouvertement à des films météores tournés pendant deux périodes importantes du cinéma américain : La Nuit du Chasseur pour les années 50, dont il reprend la base scénaristique en en bouleversant les données ; et La Balade Sauvage pour les années 70, dans son côté road movie des champs et de la terre, ode à un monde tour à tour enchanté et brutal. Mais L'Autre rive n'est pas un de ces films-hommage au post-modernisme ennuyeux, au contraire, car David Gordon Green sait incarner son propos dans des paysages inédits et des corps singuliers, notamment celui de Jamie Bell, à la fois gauche, timide et séduisant ; une vraie merveille de comédien ! Et il invente un style parfaitement contemporain, fait d'arrêts sur images, de ralentis, de temps morts et de déflagrations brusques, de langueur hypnotique (superbe partition musicale de Philip Glass) et de violence cruelle. On vous l'a dit : on n'aurait du mal à citer film plus singulier cette année !

Christophe Chabert


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