Un monde vacillant

CYNTHIA OZICK L'Olivier


Avec Un monde vacillant, Cynthia Ozick confirme qu'elle est un immense auteur, de la trempe de ses homologues masculins de la communauté juive américaine, Saul Bellow ou Philip Roth. Son roman retrace le destin d'une famille de juifs berlinois réfugiés dans le quartier du Bronx au début des années trente. Une famille à la dérive que l'on découvre à travers les yeux d'une très jeune femme, Rose Meadows, qui entre à leur service afin d'échapper à son escroc de père. La narratrice observe ébahie les ravages de l'exil sur l'ensemble des membres du clan : le père, érudit reclus sur ses recherches, la mère qui navigue aux confins de la folie, et leurs quatre enfants, sur lesquels règne l'inquiétante soeur aînée, Anne-Liese. Autant de personnages disloqués par la fuite et incapables de reprendre pied dans un monde qui leur échappe totalement. "J'aime les détraqués de l'histoire" dit Ozick. "Il n'est pas besoin de quitter son sol natal pour se sentir l'âme d'un réfugié. Le réfugié, contrairement à l'exilé ou à l'émigré, ne sera jamais chez lui. Sauf dans la mort." Cynthia Ozick donne un roman tragique, déchirant, sur le traumatisme du déracinement, l'échec de l'intégration, la folie des hommes qui souffrent de ne pas accomplir leurs rêves. Elle dit mieux que jamais les terribles brisures de l'âme, la démence et la cruauté d'un siècle infâmant et d'un monde qui vacille. Une œuvre terrifiante et magistrale. YN


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